Question du mois

Question du mois

Un employeur peut-il encore faire application, en cas de licenciement d’un ouvrier, d’une clause de préavis réduit valablement conclue avant le 1 janvier 2014?

1 octobre 2021

Monsieur Duris est engagé comme ouvrier par la société Faltour le 10 octobre 2013 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

En conformité avec les dispositions légales applicables à l’époque, les parties conviennent de déroger aux préavis ordinaires et prévoient dans le contrat qu’un délai de préavis réduit de 7 jours serait d’application durant les 6 premiers mois du contrat en cas de licenciement (dite « clause de préavis réduit »).

Le 21 septembre 2021, la société Faltour décide de licencier Monsieur Duris avec effet immédiat moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis correspondant à 7 jours et 24 semaines de rémunération.

Le 1er octobre 2021, la société Faltour reçoit une mise en demeure de Monsieur Duris réclamant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis complémentaire, estimant que la société a erronément fait application de la clause de préavis réduit pour la première partie du préavis. Selon Monsieur Duris, la société aurait dû appliquer, pour cette première partie, les préavis sectoriels applicables au 31 décembre 2013 dès lors que son ancienneté au moment du licenciement était supérieure à 6 mois.

La société Faltour décide de ne pas donner suite à cette mise en demeure et Monsieur Duris lance une procédure devant le Tribunal du travail de Nivelles en vue d’obtenir le paiement de l’indemnité compensatoire de préavis complémentaire.

La société Faltour avait-elle le droit d’encore appliquer la clause de préavis réduit au licenciement notifié le 21 septembre 2021 ?

Mauvaise réponse...

Le point de départ de cette discussion est l’introduction de la loi sur le statut unique visant à harmoniser les statuts ouvriers-employés.

En effet, et pour rappel, le préavis à notifier (et l’indemnité compensatoire de préavis y correspondant) pour les travailleurs dont le contrat prend cours à partir du 1er janvier 2014 est identique pour les employés et pour les ouvriers et se calcule (en semaine) uniquement sur la base de l’ancienneté du travailleur au moment de son licenciement.

Pour les travailleurs dont le contrat a pris cours avant le 1er janvier 2014, le préavis à notifier (et l’indemnité compensatoire de préavis y correspondant) comprend deux parties (système de cliquet), l’addition de ces deux parties constituant le préavis total:

  • Détermination du délai de préavis sur la base du statut et de l’ancienneté acquise au 31 décembre 2013, en application des règles légales, réglementaires et conventionnelles en vigueur à cette date (calcul en mois pour les employés et calcul en jours pour les ouvriers) (première partie du préavis);
  • Détermination du délai de préavis sur la base de l’ancienneté acquise à partir du 1 janvier 2014, en application des règles applicables depuis le 1 janvier 2014 (calcul en semaines tant pour les employés que pour les ouvriers) (deuxième partie du préavis).

Pour les ouvriers, la loi applicable avant la réforme du statut unique donnait la possibilité aux parties d’insérer une clause dans le contrat de travail ou dans le règlement de travail prévoyant un délai de préavis réduit de minimum 7 jours en cas d’ancienneté de moins de 6 mois de service ininterrompu dans la même entreprise.

La loi sur le statut unique avait maintenu les effets de cette disposition légale.

En conséquence, la majorité de la doctrine et de la jurisprudence, suivie également par le SPF Emploi, admettait que ces clauses maintenaient leurs effets pour le calcul de la première partie du préavis, en cas de licenciement après le 31 décembre 2013, pour autant que l’ouvrier ait eu moins de 6 mois d’ancienneté au 31 décembre 2013. Il était ainsi considéré qu’il ne fallait pas avoir égard à l’ancienneté totale acquise au moment du licenciement pour vérifier la condition de 6 mois mais qu’il fallait uniquement avoir égard à l’ancienneté acquise au 31 décembre 2013 (date à laquelle il faut en principe se positionner pour arrêter l’ancienneté en vue du calcul de la première partie du préavis).

Cette interprétation a toutefois été récemment invalidée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 12 avril 2021.

En effet, selon la Cour de Cassation, la clause de préavis réduit ne peut être appliquée que pour autant que l’ouvrier n’ai pas acquis une ancienneté ininterrompue de plus de 6 mois au moment du licenciement. Selon la Cour, si l’ouvrier avait moins de 6 mois d’ancienneté au 31 décembre 2013, mais a été licencié par après, alors qu’il avait entre-temps acquis 6 mois d’ancienneté ininterrompue (comme dans notre exemple), l’employeur doit tenir compte, en vue de déterminer la première partie du préavis, des délais de préavis ordinaires et non pas de la clause de préavis réduit.

Que retenir de cette décision ?

Bien qu’il n’ait pas valeur de loi, il est fort probable que les cours et tribunaux appliqueront dans le futur l’enseignement tiré de cet arrêt de la Cour de Cassation. Dès lors, en cas de licenciement d’un ouvrier qui avait moins de 6 mois d’ancienneté au 31 décembre 2013, mais qui a entre-temps acquis une ancienneté totale de plus de 6 mois (ce qui sera forcément le cas en cas de licenciement aujourd’hui), nous vous conseillons de laisser inappliquée la clause de préavis réduit qui aurait été conclue entre les parties et d’appliquer les délais de préavis légaux ou sectoriels ordinaires. Dans le cas contraire, vous risquez de devoir payer une indemnité compensatoire de préavis (complémentaire) en vue de compenser la notification d’un préavis insuffisant.

Bonne réponse!

Le point de départ de cette discussion est l’introduction de la loi sur le statut unique visant à harmoniser les statuts ouvriers-employés.

En effet, et pour rappel, le préavis à notifier (et l’indemnité compensatoire de préavis y correspondant) pour les travailleurs dont le contrat prend cours à partir du 1er janvier 2014 est identique pour les employés et pour les ouvriers et se calcule (en semaine) uniquement sur la base de l’ancienneté du travailleur au moment de son licenciement.

Pour les travailleurs dont le contrat a pris cours avant le 1er janvier 2014, le préavis à notifier (et l’indemnité compensatoire de préavis y correspondant) comprend deux parties (système de cliquet), l’addition de ces deux parties constituant le préavis total:

  • Détermination du délai de préavis sur la base du statut et de l’ancienneté acquise au 31 décembre 2013, en application des règles légales, réglementaires et conventionnelles en vigueur à cette date (calcul en mois pour les employés et calcul en jours pour les ouvriers) (première partie du préavis);
  • Détermination du délai de préavis sur la base de l’ancienneté acquise à partir du 1 janvier 2014, en application des règles applicables depuis le 1 janvier 2014 (calcul en semaines tant pour les employés que pour les ouvriers) (deuxième partie du préavis).

Pour les ouvriers, la loi applicable avant la réforme du statut unique donnait la possibilité aux parties d’insérer une clause dans le contrat de travail ou dans le règlement de travail prévoyant un délai de préavis réduit de minimum 7 jours en cas d’ancienneté de moins de 6 mois de service ininterrompu dans la même entreprise.

La loi sur le statut unique avait maintenu les effets de cette disposition légale.

En conséquence, la majorité de la doctrine et de la jurisprudence, suivie également par le SPF Emploi, admettait que ces clauses maintenaient leurs effets pour le calcul de la première partie du préavis, en cas de licenciement après le 31 décembre 2013, pour autant que l’ouvrier ait eu moins de 6 mois d’ancienneté au 31 décembre 2013. Il était ainsi considéré qu’il ne fallait pas avoir égard à l’ancienneté totale acquise au moment du licenciement pour vérifier la condition de 6 mois mais qu’il fallait uniquement avoir égard à l’ancienneté acquise au 31 décembre 2013 (date à laquelle il faut en principe se positionner pour arrêter l’ancienneté en vue du calcul de la première partie du préavis).

Cette interprétation a toutefois été récemment invalidée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 12 avril 2021.

En effet, selon la Cour de Cassation, la clause de préavis réduit ne peut être appliquée que pour autant que l’ouvrier n’ai pas acquis une ancienneté ininterrompue de plus de 6 mois au moment du licenciement. Selon la Cour, si l’ouvrier avait moins de 6 mois d’ancienneté au 31 décembre 2013, mais a été licencié par après, alors qu’il avait entre-temps acquis 6 mois d’ancienneté ininterrompue (comme dans notre exemple), l’employeur doit tenir compte, en vue de déterminer la première partie du préavis, des délais de préavis ordinaires et non pas de la clause de préavis réduit.

Que retenir de cette décision ?

Bien qu’il n’ait pas valeur de loi, il est fort probable que les cours et tribunaux appliqueront dans le futur l’enseignement tiré de cet arrêt de la Cour de Cassation. Dès lors, en cas de licenciement d’un ouvrier qui avait moins de 6 mois d’ancienneté au 31 décembre 2013, mais qui a entre-temps acquis une ancienneté totale de plus de 6 mois (ce qui sera forcément le cas en cas de licenciement aujourd’hui), nous vous conseillons de laisser inappliquée la clause de préavis réduit qui aurait été conclue entre les parties et d’appliquer les délais de préavis légaux ou sectoriels ordinaires. Dans le cas contraire, vous risquez de devoir payer une indemnité compensatoire de préavis (complémentaire) en vue de compenser la notification d’un préavis insuffisant.

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