Je plaide en faveur d'un facilitateur qui soit capable d'ouvrir l'indispensable dialogue
Toutes les sources concordent: les absences de longue durée provoquées par le burn-out et la dépression ont augmenté en moyenne de 50% depuis cinq ans. Problème: il n'y a pas d'unanimité sur la meilleure manière d'accompagner ces travailleurs pendant leur absence ni au moment de leur retour en entreprise.
Les enquêtes montrent qu'une personne sur cinq qui a souffert d'un burn-out rechute après sa réintégration au travail. En réalité, il reste difficile de guérir d'une maladie dont la définition ne fait pas consensus. Christiaan Vinkers, professeur en stress et énergie du Centre médical universitaire d'Amsterdam, fait partie des sceptiques. Il pense que le burn-out n'est pas une maladie que l'on puisse diagnostiquer de façon fiable et correcte. «Bien sûr, les plaintes des patients sont réelles. Mais pour agir sur ses conséquences mentales parfois graves, il est essentiel d'avoir une définition précise du burn-out. Si nous ne parlons pas tous de la même chose, comment pouvons-nous identifier les causes exactes de ces affections et les traiter efficacement?»
Eva Geluk est chercheuse de l'Antwerp Management School. Ces vingt dernières années, peu de recherches ont été menées sur les actions préventives à entreprendre pour accompagner la reprise du travail. Elle s'est dès lors penchée sur le retour durable au travail de personnes souffrant d'un burn-out, sachant que leur nombre augmente, que la moitié d'entre elles a peur de recommencer à travailler et qu'une sur quatre rechute après son retour. «Quand quelqu'un reprend le travail, il le fait sans que le processus ne soit étudié ni au préalable ni par après», regrette Eva Geluk. «Je pense qu'il faut commencer par analyser ce qui s'est mal passé. Nous devons accompagner la personne qui reprend le travail pendant toute l'année qui suit.»
Après de longs entretiens avec toutes les parties prenantes, Eva Geluk pense qu'il est nécessaire de mettre en place une forme de coordination ou de facilitation. Il semble en effet que l'employeur et l'employé campent sur leur position au lieu de nouer le dialogue. «Raison pour laquelle je plaide en faveur d'un facilitateur qui soit capable d'ouvrir ce dialogue indispensable», explique-t-elle. «Ce facilitateur neutre peut aussi atténuer l'insécurité que les salariés ressentent quand ils reviennent parmi leurs collègues.» La chercheuse d'Anvers estime qu'il faut attribuer ce rôle à quelqu'un qui puisse garantir cette neutralité. Ce facilitateur peut être un collègue ou un spécialiste externe, ce qui sera le plus probable dans les petites organisations.
Comme l'assure An Van Beek, responsable de la prévention psychosociale, bpost se concentre avant tout sur la prévention. Pour elle, dans la problématique du bien-être, les deux acteurs essentiels sont le collaborateur concerné et sa hiérarchie. «Notre service de prévention interne offre le soutien d'assistants sociaux et de conseillers en prévention. Nous travaillons aussi avec plusieurs acteurs-clés de la GRH. Nous essayons d'aider la hiérarchie et l'individu impliqué de façon préventive et curative.» Pour An Van Beek, le manager est en première ligne pour assister le membre de son équipe pendant son absence et à son retour. Raison pour laquelle il reçoit un ensemble d'outils pour organiser les entretiens consacrés au bien-être. L'idée de ces entretiens est de prendre des nouvelles du collaborateur, de savoir de quoi il a besoin et de déterminer ses problèmes éventuels. «Nous avons aussi des entretiens d'absence. Les managers bénéficient de conseils pour s'adresser aux membres de leur équipe qui sont absents depuis un certain temps. Ces entretiens doivent nous apprendre à améliorer notre organisation et, en définitive, à prévenir les absences. Par ailleurs, nous organisons aussi des entretiens de réintégration au moment où les absents reviennent au travail.»
Ces entretiens doivent permettre aux travailleurs de revenir en bonne forme. Toute l'information utile est stockée dans un outil de santé qui permet à la GRH et aux managers de progresser dans leurs connaissances. Il existe aussi la possibilité pour les membres du personnel de contacter une assistante sociale. «Elle est soumise au secret professionnel et peut intervenir comme intermédiaire neutre et objectif sans que cela ne génère des difficultés pour la personne concernée», explique An Van Beek. «Nous examinons ce dont l'absent a besoin pour se rétablir et plus tard, pour revenir au travail en douceur. S'il y a des problèmes privés, qu'il s'agisse des enfants, de soucis financiers ou d'une séparation, nous cherchons ensemble une solution ou nous renvoyons la personne à un spécialiste externe.»
Trente pour cent des malades de longue durée souffrent de douleurs chroniques. Souvent, ils quittent définitivement le circuit du travail. Anesthésiste et spécialiste de la douleur, Marie Van Remoortere (hôpital d'Anvers) veut s'attaquer à ce problème. Depuis 2010, elle voit des patients, parfois jeunes, qui se plaignent de douleurs et qui ne travaillent plus depuis des années. L'impact de l'incapacité de travail sur l'individu est énorme. «En plus de la douleur, on voit aussi apparaître des problèmes financiers, un isolement social et une dévalorisation de soi-même: une spirale infernale de désespoir dont on sort difficilement tout seul. Récemment encore, dans cette impasse que représente l'incapacité de travail, les patients étaient peu suivis, voire pas du tout. Nous voulons apporter une réponse globale à cette situation problématique dans notre centre de la douleur.»
Marie Van Remoortere et ses collègues ont noué un partenariat avec des spécialistes du travail (comme le VDAB...) dans leur région pour accompagner les patients dans leur réintégration, en compagnie de professionnels des soins qui les connaissent. «Nous adoptons une approche sur mesure et nous donnons la priorité à ce qu'il est encore possible de faire avec notre patient. Un coach spécialisé est présent pour guider les patients à travers les obstacles dont ils font l'expérience dans le marché du travail.»
Pour la spécialiste de la douleur, il faut considérer l'incapacité de travail comme un effet pervers de la maladie. «Nous devons inclure la réintégration dès le début dans notre plan d'action pour éviter l'incapacité de travail de longue durée.»
Naturellement, travailler sur la prévention des maladies et du burn-out est la meilleure garantie d'éviter les problèmes de réintégration. Ainsi, l'agence de publicité Publicis invite ses 250 salariés belges à prendre des pauses pendant le travail. Ce qui doit contribuer à rompre le tabou sur le sujet. Mais au début, les salariés ont eu du mal. «On ne prend pas une pause sans éprouver un sentiment de culpabilité», assure Eva Devos co-CEO de l'agence. «Mais si votre enfant a été malade pendant toute la nuit et vous a empêché de dormir, vous avez bien le droit de chercher un endroit isolé au milieu de l'après-midi pour vos reposer. Mais je constate que certains hésitent. J'ai dû moi aussi me faire à cette idée. Aller courir à 16 h me paraissait étrange. Raison pour laquelle nous avons lancé la campagne Right to Rest. Nous voulons dire clairement à nos collaborateurs qu'ils ont le droit de prendre des pauses. Ils peuvent le faire de la manière qui leur convient le mieux tant qu'ils se reposent.»
Pour le docteur Paul Koeck, les salariés qui souffrent de stress et de surcharge chroniques ont un impact sur l'équipe et sur l'entreprise, parce que le stress est contagieux. «Le stress d'un équipier ou d'un travailleur dans le rouge va passer d'un collègue à l'autre. Certains dans l'équipe développent progressivement un stress invisible et passent de l'orange au rouge. Les managers n'y échappent pas. Les travailleurs verts, compétents, vont eux aussi passer au rouge, s'ils ne perçoivent pas que leurs collègues sont en difficulté. Ils risquent de se retrouver dans une impasse conflictuelle, dans une spirale négative.»
Eva Geluk considère que la reprise du travail est une responsabilité partagée. On voit souvent un collègue qui reprend le travail comme quelqu'un qui s'est consumé tout seul. Il faut découvrir ce qui s'est mal passé sur le lieu de travail. Elle a conçu un scan numérique, une sorte de boîte à outils avec des listes de questions. Les managers et les travailleurs répondent à ces questionnaires. Ils doivent révéler les problèmes pour déterminer ce qui pourrait être amélioré à l'avenir. «Nous analysons alors la culture du feed-back, nous cherchons à savoir si le manager est à l'écoute des signaux que lui envoient ses collaborateurs. Ces informations doivent aider le facilitateur neutre à agir pour aider les patients d'un burn-out à reprendre le travail.» ¶
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