Il n’est pas rare que des entreprises du secteur privé mettent en place une politique de neutralité politique, philosophique et religieuse en particulier dans les entreprises où le personnel est en contact avec la clientèle.
La mise en place d’une telle politique est-elle, en soi, constitutive d’une discrimination indirecte? La question se pose, en particulier, en ce qui concerne le port du foulard lorsque celui-ci est interdit en raison de cette politique de neutralité applicable au sein de l’entreprise.
L’arrêt rendu par la Cour du travail de Gand le 12 octobre 2020 (RG 2019/AG/55) permet de faire le point en la matière. La Cour du travail a été amenée à se prononcer après que cette affaire a été traitée préalablement par le tribunal du travail d’Anvers (jugement du 27 avril 2010, AR 06/397639/A), par la Cour du travail d’Anvers (arrêt du 23 décembre 2011, AR 2010/AA/453 et 2010/AA/467), par la Cour de cassation (le 9 mars 2015, S 12.0062.N) et enfin par la Cour de Justice de l’Union européenne (arrêt du 14 mars 2017, affaire C157/15).
Les faits, en bref? Au sein d’une entreprise de surveillance et de sécurité, une réceptionniste commence à porter un foulard islamique. Cette entreprise applique une politique de neutralité (initialement non écrite) se justifiant notamment par un souci de neutralité de l’image de l’entreprise auprès de ses clients. Les parties ne parvenant pas à s’entendre, la travailleuse est licenciée. Elle décide, alors, d’intenter une action en justice à l’encontre de son ancien employeur réclamant notamment le paiement d’une indemnité de six mois sur base de la loi contre les discriminations du 25 février 2003.
À l’issue d’un long développement, la Cour du Travail de Gand va conclure, qu’en l’espèce, dans la mesure où la politique de neutralité applicable au sein de l’entreprise s’applique à tous, il n’y a pas de discrimination indirecte, à défaut de désavantage particulier à l’égard d’un groupe bien défini de personnes ayant droit à une protection en raison de leur croyance commune ou de leurs convictions politiques ou philosophiques. Elle parviendra également à la même conclusion après avoir procédé à un test de justification.
Si la mise en place d’une politique de neutralité politique, philosophique et religieuse n’est pas, en soi, constitutive de discrimination indirecte, la mise en place d’une telle politique doit néanmoins poursuivre un but légitime. Il en ira ainsi, selon nous, lorsque cette politique de neutralité vise à assurer une neutralité de l’entreprise dans le cadre de ses relations avec ses clients, par exemple. Ceci présuppose toutefois que celle politique ne concerne que les fonctions qui sont en contact direct avec les clients. Il faudra bien évidemment veiller également à ce que cette politique de neutralité soit reprise dans un écrit et prévoir, par exemple, une clause en ce sens dans le règlement du travail.
Frédérique Gillet
Avocat de DLA Piper UK LLP
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