Selon la législation actuelle, une entreprise est en principe uniquement responsable du respect des obligations légales à l’égard de son propre personnel, et pas du respect par les sous-traitants des obligations que ceux-ci ont à l’égard de leur personnel. Il y a certes quelques exceptions légales à cette règle, par exemple l’obligation pour les entreprises qui travaillent sur le même site de collaborer dans le domaine du bien-être et de la sécurité au travail. Et il y a les règles générales en matière de complicité, qui permettent dans certaines conditions de sanctionner un entrepreneur qui coopère à des infractions commises par ses sous-traitants.
Le 8 août 2022, une proposition de loi instaurant un devoir de vigilance et un devoir de responsabilité à charge des entreprises tout au long de leurs chaînes de valeur a été déposée et celle-ci changerait fondamentalement les choses. Il s’agit d’une proposition qui doit encore être débattue au Parlement et faire l’objet d’un vote. Mais la proposition émane des représentants au Parlement du PS, de Vooruit et d’Ecolo-Groen, de sorte que la probabilité qu’elle soit approuvée est bien réelle (même si ces trois partis réunis n’ont pas de majorité à eux seuls).
CHAINE DE VALEUR
La notion de «chaîne de valeur» est définie dans la proposition de loi comme l’ensemble des entités avec lesquelles l’entreprise entretient une relation commerciale, soit parce que lesdites entités fournissent directement ou indirectement des produits, soit parce que l’entreprise reçoit des produits de ces entités. La proposition de loi sera applicable à toute entreprise établie en Belgique. Les autres entités de la chaîne de valeur peuvent se trouver n’importe où dans le monde.
Les «conséquences négatives» qui doivent être évitées concernent non seulement les droits humains au sens strict du terme (par exemple la Déclaration universelle des droits de l’homme), mais aussi les droits sociaux (la proposition de loi contient une liste de dispositions y relatives telles que diverses conventions de l’Organisation internationale du travail) et les droits environnementaux.
La proposition de loi prévoit dans un premier temps un devoir de vigilance général, c’est-à-dire une obligation d’identifier les éventuelles conséquences négatives dans la chaîne de valeur, d’y mettre un terme et de réparer le dommage causé.
Les entreprises d’intérêt public et les grandes entreprises ont l’obligation supplémentaire d’établir un plan de vigilance. Ce plan comprend, entre autres, des procédures d’évaluation régulière des activités, des mesures raisonnables ou appropriées pour prévenir les conséquences négatives, un mécanisme de signalement des conséquences négatives comportant des garanties en matière de protection des lanceurs d’alerte, et enfin un mécanisme de traitement des plaintes relatives à des infractions et de réparation du dommage s’il devait apparaître que des infractions ont effectivement été commises.
Le plan de vigilance doit être élaboré après consultation publique des parties intéressées, mais le mode de finalisation n’est pas encore clairement établi.
La proposition de loi prévoit également un certain nombre de dispositions procédurales, par exemple la possibilité d’intenter des actions collectives pour les organisations dont l’objet social est lié au préjudice collectif ou les organisations syndicales.
Enfin, la proposition de loi prévoit une responsabilité solidaire pour toutes les entreprises concernées en cas d’infraction.
Reste à savoir ce que le Parlement finira par décider concernant cette proposition de loi. Le texte actuel contient toutes sortes de dispositions formulées de manière générale, qui laisseraient par conséquent une large marge de discussion sur ce que ces obligations devraient précisément impliquer dans la réalité quotidienne.
Une proposition de loi qui devrait modifier fondamentalement les obligations des entreprises concernant leurs sous-traitants et fournisseurs a été introduite au Parlement belge. Pour l’heure, reste à savoir si le projet de loi sera effectivement adopté, sous une forme modifiée ou non.
Frederic Brasseur
Advocat DLA Piper UK LLP
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