Dans notre marché du travail, plusieurs groupes de talents hautement qualifiés continuent à avoir du mal à trouver un emploi. C'est le cas par exemple des personnes diplômées de l'enseignement supérieur qui ont des racines africaines. Job@Ubuntu veut accompagner ces professionnels vers des emplois durables.
Texte: Jo Cobbaut / Photo: Shutterstock
La Belgique compte environ 250.000 personnes d'origine africaine. Une étude de la Fondation Roi Baudouin révèle que dans ce groupe, le taux de chômage est quatre fois plus élevé (première génération) ou trois fois plus élevé (deuxième génération) que dans la population générale. Parmi ceux qui travaillent, 56% occupent une fonction d'un niveau inférieur à leur diplôme. Un chiffre d'autant plus navrant que près de la moitié de ces individus possèdent un diplôme de l'enseignement supérieur belge et 16% l'ont obtenu dans un pays dont la Belgique reconnaît les diplômes. Le fait qu'une personne de cette catégorie sur trois ne dispose pas d'un diplôme explique donc difficilement le problème.
Bert Smits, un entrepreneur social, anime le projet Job@Ubuntu. Ce programme accompagne les travailleurs d'origine africaine sur le marché de l'emploi. Il a été lancé par Overmolen, une ASBL pluraliste qui développe des projets pour ceux qui ont du mal à s'insérer dans la vie professionnelle.
Après avoir réalisé un sondage dans ce groupe cible, Bert Smits s'est rendu compte que le problème est multifactoriel. Une partie de l'explication se situe chez ces travailleurs d’origine africaine sans emploi, une autre concerne le marché de l'emploi, les attentes des employeurs, celles des intermédiaires, etc. Job@Ubuntu a ouvert le dialogue avec ces stakeholders. Bert Smits: «Les travailleurs d’origine africaine doivent corriger l'image qu'ils ont d'eux-mêmes. Quand on n'a pas confiance dans sa valeur, on se déforce sur le marché de l'emploi. Le réseau aussi a son importance: ils n'ont pas toujours les bonnes connexions. De plus, il faut compter avec des différences culturelles.»
Du côté des employeurs, Bert Smits constate qu'ils dressent parfois des obstacles involontaires. Job@Ubuntu s'adresse directement à eux pour corriger une image troublée qui reste prégnante après une décolonisation douloureuse. «Nos représentations restent dominées par des images de pauvreté, d'insécurité, de crise… Nous demeurons aveugles aux opportunités qui se présentent dans ce vaste continent et à la dynamique que l'on constate par exemple autour de la numérisation ou de certaines grandes villes en pleine ébullition.» Bert Smits espère que les entrepreneurs seront nombreux à envoyer leurs salariés vers des formations qui leur permettront de comprendre les obstacles inconscients qui perdurent dans leur organisation. Cela commence par la communication. Où les offres d'emploi sont-elles publiées? Qui lit quel média? Quels signaux subliminaux donnez-vous dans vos annonces, par exemple en diffusant systématiquement des photos d'hommes blancs? Bert Smits: «Cette prise de conscience, il faut l'étendre aux entretiens de sélection, à la politique d'accueil, etc.»
En parallèle, l'organisation met en place un programme de soutien des jeunes diplômés d'origine africaine. Bert Smits: «Nous leur proposons un environnement à l'écoute de leur histoire et nous concevons des plans d'accompagnement. Ce qui débouche, peut-on espérer, sur des contacts et des moments de réseautage avec des employeurs qui cherchent des talents.» ¶
Bert Smits
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