«Supprimez le certificat médical»

28 octobre 2021
Texte
Melanie De Vrieze

Les maladies de longue durée ne cessent d'augmenter en Belgique. Selon les experts, un changement radical devient urgent. Le contrôle, qui est la base de notre système, doit s'effacer au profit d'un accompagnement actif en direction de l'emploi. «Le retour au travail est une étape essentielle de la guérison», assure Lode Godderis (KU Leuven et IDEWE).

Dans notre pays, on compte près d'un demi-million d'absents de longue durée pour cause de maladie. «Un chiffre impressionnant», souligne Lode Godderis, professeur en médecine du travail (KU Leuven) et CEO d'IDEWE.

«Or, notre système est inefficace. Celui qui se déclare malade doit produire un certificat médical. Dès le départ, nous avons donc affaire à une procédure centrée sur le contrôle. Mais quand on se sent contrôlé, ce que l'on veut avant tout, c'est prouver que l'on est bien malade au lieu de chercher de l'aide pour progresser sur la voie de la guérison.»

Faire confiance

Le système semble ne s'intéresser qu'au bien-fondé de l'octroi d'une indemnité de maladie, alors que le retour au travail devrait être central. «Le malade qui recommence une activité fait le premier pas vers la guérison», explique Lode Godderis. «Les trois premiers mois sont cruciaux. Aujourd'hui, les médecins font le diagnostic et traitent leur patient. Ensuite, quand il est guéri, ils lui donnent le feu vert pour retourner au travail. Mais ce n'est pas toujours aussi simple. Quand un médecin met un travailleur en arrêt pour des douleurs au dos, à la colonne vertébrale ou aux os, cette douleur ne va pas disparaître sans autre forme de procès. Après la phase aiguë, les patients devraient pouvoir retrouver une certaine activité, dans des limites de douleur bien précises et dans des conditions adaptées. Bouger contribue à diminuer la douleur.»

Selon Lode Godderis, l'une des solutions consiste à supprimer le certificat médical. «Dès le début, vous montrez que vous faites confiance au salarié. Comme il doit s'adresser à son supérieur pour prévenir qu'il est malade, la relation avec l'entreprise est préservée. Et quand l'employeur noue le dialogue, il comprend mieux comment aider celui qui revient de congé maladie. Souvent, le salarié ne sait pas à qui il doit s'adresser quand il est de retour dans l'entreprise. Il a peur aussi de poser les mauvaises questions qui pourraient provoquer la perte de ses allocations. Ce dont il a vraiment besoin, c'est de soutien dans sa réinsertion dans le marché du travail.»

Abandonner les catégories

L'approche des maladies de longue durée doit être repensée dans la perspective de l'individu. C'est l'opinion de Lode Godderis. «Pour avoir droit aujourd'hui à un accompagnement, vous devez avoir un certain statut ou appartenir à une certaine catégorie. Dans le système actuel, vous “gagnez” le droit à un soutien complémentaire. Ce n'est pas la meilleure méthode. Nous devrions consacrer beaucoup moins d'énergie à classer les gens dans des catégories et nous efforcer davantage de répondre à leurs besoins. C'est un exercice que nous devons faire avec tous les partenaires: trouver des canaux d'accompagnement au lieu de cantonner les gens entre les murs des catégories.»

Responsabilité

Lode Godderis estime que tout compte fait, la réintégration pendant les trois premiers mois se déroule plutôt bien. Les choses sont un peu différentes pour le groupe de personnes qui sont en absence maladie depuis plus d'un an. «Après ce délai, le contact avec l'employeur a disparu. Il y a des contrôles périodiques, mais surtout pour vérifier que le malade continue à mériter ou non ses indemnités. Ces contrôles s'intéressent trop peu à l'aide qu'il pourrait recevoir pour revenir dans le monde du travail. Je reste persuadé que l'on ne peut pas laisser tomber ces personnes et les condamner à ne plus apporter leur contribution à la société pendant le reste de leur vie. Pour moi, c'est incompréhensible. Et dans le domaine politique, je vois peu d'actes en la matière.» ¶

ID

Lode Godderis

Fonction

Professeur en médecine du travail (KU Leuven) et CEO d'IDEWE