La mobilité interne est un atout précieux dans la guerre des talents. Elle nous permet d’augmenter les compétences de l’organisation.
Société de services électroniques de paiement, Worldline doit multiplier les efforts pour attirer des candidats. Mais elle ne se contente pas d'investir dans le recrutement. Elle mise aussi sur la mobilité interne afin d'accroître les compétences de l’entreprise. «Et nous permettre ainsi de continuer à innover», explique Evelyne Mathot, DRH pour la Belgique.
Connaissez-vous des difficultés de recrutement?
Evelyne Mathot: «Oui, nous sommes une société essentiellement informatique, autant dire que nous sommes en première ligne dans la guerre des talents. Cette année, nous avons deux cents postes ouverts en Belgique. Ces renforts nous seront nécessaires pour nous aider à répondre aux nouvelles tendances du marché et à concevoir des solutions technologiques innovantes. C’est capital pour nous: la pandémie a accéléré le déploiement et la popularité des paiements sans contact, par exemple, ou des paiements mobiles. En même temps, nous évoluons dans un environnement qui change très vite. Avec l'apparition de nouveaux acteurs, du côté des GAFAM notamment. Bref, l’innovation est fondamentale pour nous, elle fait d'ailleurs partie de nos valeurs cardinales.»
Recruter, d’accord. Mais dans un marché difficile, comment faites-vous pour conserver vos talents?
Evelyne Mathot: «Pour nous, la rétention est tout aussi importante parce que nous devons conserver les connaissances dont nous disposons déjà. Nous offrons en premier lieu de réelles perspectives de carrière, tant horizontales que verticales. La mobilité interne est également un outil précieux. Elle s'articule sur l'entretien d'évaluation semestriel qui permet de détecter les aspirations de nos salariés. Notre intranet publie nos offres d'emploi avec beaucoup de visibilité. Nous organisons des job-cafés: des managers viennent procéder à des recrutements le midi par exemple, dans notre cafétéria. Bien sûr, la pandémie nous a forcés à organiser ces rencontres à distance. Mais désormais, nous allons retrouver une formule en présentiel: la dimension conviviale est décisive dans ces rencontres. Enfin, nous disposons de tout un catalogue de formations, virtuelles ou non. Des formations techniques mais qui concernent aussi les soft skills. Nos collaborateurs bénéficient d’un plan de développement et d’un plan de formation personnels qui sont intégrés dans l'évaluation. Celle-ci vise avant tout à détecter les compétences dans lesquelles le salarié peut grandir, la direction dans laquelle il peut se développer.»
Quel est le rôle concret de la GRH dans ces processus?
Evelyne Mathot: «Les équipes RH soutiennent nos salariés dans leurs aspirations. Nos HR Business Partners guident ceux qui ont envie d’emprunter une nouvelle voie. Mais surtout, nos collaborateurs peuvent compter sur une relation ouverte avec leur manager, lors d'entretiens formels mais aussi à l’occasion de contacts plus spontanés. La confiance est l'une de nos valeurs fondamentales. Cela dit, il peut arriver que cette relation de confiance ne soit pas parfaite. Dans ce cas, nos HRBP connaissent leurs employés, ils peuvent les aider à formuler leurs vrais besoins. D'une façon générale, la GRH accompagne les managers dans la mise en place d’une gestion transparente des talents. Un salarié qui ne trouve pas le moyen de progresser chez nous finira par partir. La mobilité interne reste donc essentielle.»
Ces opportunités internes ne font-elles pas courir certains risques?
Evelyne Mathot: «Bien sûr, il y a des règles à respecter. Accepter un nouveau poste et le quitter au bout de deux mois n'est pas envisageable. Avant de confier une nouvelle fonction à un salarié, le manager qui recrute et celui qui laisse partir son collaborateur s’entendent entre eux. L'ancien manager a trois mois devant lui pour se réorganiser. J’ajoute qu’un groupe comme le nôtre offre par nature de nombreuses opportunités: la croissance de nos activités soutient la demande de mobilité internationale. Nos collaborateurs peuvent toujours poser leur candidature pour aller travailler ailleurs dans le monde. Et quand le ou la partenaire de l'un de nos salariés doit s'expatrier, nous recherchons une position adaptée dans l'un de nos établissements à l'étranger.»
Comment évolue le télétravail dans votre entreprise?
Evelyne Mathot: «Avant la crise sanitaire, nous avions déjà implémenté une politique globale du télétravail. À une restriction près: il fallait passer trois jours par semaine au bureau, ceci pour favoriser les interactions, préserver la cohésion de l'entreprise et maintenir un certain bien-être grâce aux contacts sociaux. Bien sûr, au printemps 2020, nous avons tous été contraints de rester chez nous. À l'exception d'une centaine de personnes sur les 1 500 qui devaient se trouver sur site ou sur la route pour assurer la continuité de certains services vis-à-vis de nos clients. À l'heure où le télétravail n'est plus une obligation, nous avons mis en place un plan de retour progressif au bureau. Nous nous dirigeons vers une formule hybride, avec l'objectif de passer la moitié du temps dans l'entreprise. Je précise que la politique du télétravail est élaborée au niveau du groupe afin d’avoir une cohérence à l’international.»
Quelles sont les conséquences du travail hybride?
Evelyne Mathot: «Cette formule nous contraint à repenser l'occupation de nos locaux. Nous devons nous demander comment améliorer nos espaces pour favoriser le travail en équipe. Le bruit ambiant, par exemple, est un problème qui doit être résolu. Nous progressons dans cette voie, avec l'aménagement de salles de réunion, de lieux de détente, de bulles de concentration. Nous avons par exemple rénové notre bar à sandwichs pendant la pandémie. De nouveau, l'objectif est de favoriser la convivialité, les rencontres informelles.»
Worldline croit beaucoup aux communautés de salariés. Quels en sont les avantages?
Evelyne Mathot: «De telles communautés se sont développées spontanément dans notre organisation, sans injonction de la direction ou des ressources humaines. Les jeunes, par exemple, ont créé l'un de ces groupes (Young Worldline). Il faut préciser que nous engageons beaucoup de jeunes diplômés, ce qui nous conduit, entre autres, à organiser des mini MBA avec à la clé un programme intitulé CXO for one day. Pour en revenir à la communauté des jeunes, ses membres se retrouvent en dehors des heures de bureau pour des activités de loisir. Mais leurs rencontres ne sont pas réservées à la détente. Ils réfléchissent aussi à leur travail, à l'entreprise, aux innovations qui pourraient améliorer notre fonctionnement. Certains de ces projets font d'ailleurs l'objet d'une sélection pour être présentés au siège, à Paris. On le voit, ces communautés ne se limitent pas à des actions de socialisation. Certaines salariées aussi se sont regroupées (Women@Worldline). Elles partagent des moments de convivialité et organisent des séminaires sur des sujets qui les concernent. Comme l'équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, un thème essentiel pour favoriser le bien-être des femmes. Nous avons encore un cercle sportif (Sports Team) qui organise des activités le midi, qui participe au 20 kilomètres de Bruxelles et aux 10 miles d'Anvers. Pendant la pandémie, ses animateurs ont diffusé des séances d'exercice physique deux fois par semaine… Une toute nouvelle communauté vient de voir le jour, créée dans le prolongement de notre participation aux enquêtes Great Place to Work et Top Employer. Ces volontaires ont créé ce groupe We@Worldline pour favoriser le bien-être au travail. Ils publient des idées, développent des outils pour faire connaître nos valeurs… Ces initiatives sont accueillies à bras ouverts par la direction générale. Et le département RH leur apporte son soutien.»
Toutes ces communautés sont-elles toujours aussi spontanées?
Evelyne Mathot: «D'autres groupes plus structurés existent, comme le comité d'échange international scientifique (Expert Community) qui permet de partager les idées et les avancées technologiques. Je signale encore la communauté des DRH des 55 pays dans lesquels nous opérons. Nous nous réunissons régulièrement et virtuellement pour participer à des séminaires. Nous échangeons des conseils et nos meilleures pratiques dans les domaines de la motivation ou de l'évaluation. Un groupe très concret, donc. D'une façon générale, toutes ces communautés ne se limitent pas à boire un verre ensemble ou à pratiquer une activité de loisir. Elles cherchent toutes à apporter un bénéfice concret à notre entreprise.»
Comment vous situez-vous par rapport à la durabilité, sociale ou environnementale?
Evelyne Mathot: «La diversité et l'inclusion sont des thèmes importants pour nous. Notre unité de communication mène à cet effet plusieurs actions de sensibilisation pour promouvoir l'égalité entre les genres, la diversité globale et le travail des personnes atteintes d'un handicap. Quant au souci de l'environnement, il est très présent. Nous sommes très bien desservis par les transports en commun, ce qui permet de soulager l'empreinte carbone des déplacements entre le domicile et le travail. L'abonnement aux transports publics est gratuit. Notre flotte de voitures de société est en pleine évolution également. Depuis 2021, nous ne nous procurons plus que des véhicules entièrement électriques ou hybrides, avec une norme d'émission maximale de 50 g de CO2 par kilomètre. Ce qui réclame un changement d'état d'esprit. Pour faciliter cette transition, nous proposons un chargeur mural gratuit à la maison pour les voitures électriques. Et nous disposons bien sûr de bornes sur notre parking. Pour les voitures comme pour les vélos. Les cyclistes bénéficient de douches et de parking sécurisé. Enfin, l'introduction d'un budget de mobilité est à l'étude. Par ailleurs, nous avons fait le maximum pour rendre notre bâtiment à Haren le plus économe possible.»
Worldline est le leader du marché européen dans le secteur des services de paiement et de transaction, et le quatrième acteur mondial des paiements. Cette société française, cotée à la Bourse de Paris, emploie 20 000 personnes dans le monde, dont 1 500 en Belgique. Elle possède trois sites dans notre pays, à Zaventem, Evere et Haren.
Worldline fournit à ses clients des solutions durables, fiables et innovantes qui contribuent à leur croissance. L’entreprise propose des solutions d’acquisition pour les commerçants en magasin et en ligne, le traitement hautement sécurisé des transactions de paiement ainsi que de nombreux services numériques. Le chiffre d’affaires pro forma de Worldline s’est élevé à près de 4 milliards d’euros en 2021.
Après une expérience dans l'audit chez KPMG, puis dans le recrutement chez Robert Walters, Evelyne Mathot est entrée chez Worldline en 2003. Elle s'est d’abord occupée de comp & benavant de devenir HR Business Partner pendant sept ans. C'est ensuite qu'elle a été nommée DRH de la Belgique. «Je suis un bel exemple de mobilité interne», sourit-elle.
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