Généralement, la phase de sélection se limite à vérifier que le candidat correspond à l’histoire que nous voulons écrire.
Créer une bonne marque d'employeur est un travail au long cours. Première condition imparable: il faut qu'elle soit authentique. Notre table ronde a réuni quatre experts RH qui s'occupent tous les jours de cette problématique.
Sarah Cauwenberghs (PZ – JooS – Waterfront) veut donner à son organisation une position préférentielle sur le marché. «L'objectif de notre marque d'employeur est d'encourager les candidats à nous choisir plus vite. Grâce à la force de notre marque, nous voulons aussi les lier plus longtemps à nous et rester authentiques.»
Pour Emma Braeye (In The Pocket), une organisation doit effectivement se positionner sur le marché avec authenticité. «Votre marque doit correspondre à ce qu’est l'entreprise en vérité. La réputation que vous voulez acquérir ne peut être éloignée de la réalité. Votre marque doit vous aider à attirer et à conserver des collaborateurs.»
Chez Argenta, on parle d'employer story-telling. Ce bancassureur veut raconter une histoire au monde extérieur qui permettra au candidat de décider si elle répond à son souhait. Hanne Coolkens (Argenta): «Nous demandons à nos salariés de raconter eux-mêmes cette histoire. À eux de déterminer son contenu. L'objectif est d'abord d'attirer des candidats. Comme notre marque d'employeur doit être authentique, nous travaillons dans toutes nos campagnes avec nos propres collaborateurs, y compris pour le contenu.»
Pour lancer la réflexion sur la marque d'employeur avec ses clients, Jan In ’t Ven(Elements.career) part de leurs collaborateurs. «Nous avons demandé aux coffreurs d'une société de construction comment ils voyaient leur marque et ce qu'ils en attendaient. Nous avons pu ainsi avoir une idée très réaliste de la situation.»
On confond souvent la marque d'employeur avec le processus de recrutement. Les clients qui ont besoin d'embaucher rapidement demandent à Jan In ’t Ven d'intervenir en urgence pour construire leur marque d'employeur. Il est alors trop tard. «Il faut travailler en premier lieu sur sa marque d'employeur. Celui qui veut recruter à court terme doit lancer une campagne. Or, il n'y a pas de campagne sans marque d'employeur.»
«La marque d'employeur part de votre mission et de votre vision», continue Emma Braye. «Vous devez montrer au monde extérieur ce en quoi vous croyez. Je vois de grandes sociétés qui ne sont pas crédibles en la matière. Mettre une table de ping-pong sur une affiche est parfois considéré comme un atout décisif. Une bonne marque d'employeur va bien sûr plus loin.» Hanne Coolkens le confirme: «Nous ne sommes plus la petite banque de nos débuts mais nous restons modestes. Nous avons envie de dire à tout le monde avec fierté ce que nous sommes et ce que nous visons. Nous ne voulons surtout pas tomber dans les clichés que décrit Emma Braye et auxquels succombent parfois les plus grandes entreprises. Nous aussi, nous allons probablement faire une action pendant la semaine du yoga, mais uniquement parce que cela reste une petite pierre dans un édifice beaucoup plus vaste. Cet édifice, nous le construisons en permanence avec nos collègues.»
Emma Braeye a participé aux premiers pas de In The Pocket. «Nous avons commencé de façon spontanée, authentique, à petite échelle. Nous avons attiré des collaborateurs qui croyaient vraiment dans notre start-up. L'organisation en était alors à ses balbutiements mais ces collègues avaient envie de contribuer à son développement. On ne peut pas être plus authentique. Plus vous grandissez, plus vous devez communiquer sur ce que vous faites et plus vous devez travailler explicitement sur votre marque d'employeur. Cela commence par la diffusion d'un message basé sur les valeurs, la mission et la vision, et ceci, de la manière la plus authentique possible. En tant qu'entreprise technologique, nous libérons du temps pour apprendre et aller plus loin. Partager les connaissances et innover: c'est dans notre ADN. C'est ce que nous exprimons dans notre marque d'employeur. Nos collaborateurs sont au top dans leur métier. Travailler chez In The Pocket signifie donc apprendre et progresser en continu. Le partage des connaissances est un élément essentiel de notre marque.»
Jan In ’t Ven part aussi souvent de zéro. «La culture d'entreprise est importante et la direction doit chercher l'adhésion du personnel. Vous devez inviter les salariés et essayer avec eux de composer un récit, de le promouvoir et de le raconter. Vous devez impliquer tout le monde étape après étape.»
Hanne Coolkens s'appuie sur le soutien du CEO et du comité de direction. «En 2016, nous avons lancé un programme que nous avons baptisé Croissance saine. L'objectif est donc de faire progresser l'organisation et ses collaborateurs de façon saine. Nous avons voulu ne pas nous arrêter en si bon chemin et nous avons demandé à nos collaborateurs pourquoi ils travaillaient chez Argenta. Nous vérifions régulièrement si toutes ces motivations correspondent au message que nous diffusons. Il ne faut donc rien réinventer, les choses évoluent simplement.»
PZ-JOOS-Waterfront était l'une des premières organisations à s'aventurer dans le marché de la consultance. La concurrence s'est durcie plus tard. «Nous voulons continuer à nous différencier par notre caractère familial en conservant un lien personnel avec tous nos collaborateurs», explique Sarah Cauwenberghs. «Nous le montrons de toutes les façons possibles. Cela commence par un événement avec des étudiants en dernière année auquel se rendent tous les collaborateurs de notre entreprise. Nous parlons avec chacun et essayons de nous distinguer des mastodontes. Cela fonctionne plutôt bien.»
La guerre des talents ne pèse-t-elle pas sur ces employeurs? Argenta a constaté une baisse du nombre de candidatures par offre d'emploi pendant la crise sanitaire. «Nous sommes passés de 4,6 à 1,2», reconnaît Hanne Coolkens. «Nous avons observé que ceux qui posent leur candidature chez nous étaient déjà souvent convaincus de vouloir travailler pour Argenta. La plupart du temps, la phase de sélection se limite à vérifier que le candidat correspond à l'histoire que nous voulons écrire. Les gens qui s'adressent à nous nous ont choisis. Cela dit, j'estime que le recrutement et la marque d'employeur sont deux choses différentes. L'une et l'autre se complètent mais une bonne marque d'employeur ne se limite pas à générer des candidatures.»
Pour Jan In ’t Ven, il est important de savoir comment vous vous présentez au monde extérieur. «La technologie joue ici un rôle. Certaines plateformes vont et viennent, d'autres restent. En tant que spécialistes de la marque d'employeur et du recrutement, nous devons nous demander comment nous allons diffuser le message à l'extérieur. Faut-il opter pour TikTok et Snapchat? Ce faisant, vous vous profilez d'une certaine façon.»
Emma Braeye relève qu'une enquête indique que 8% des moins de 18 ans ne sont pas en ligne. «C'est une partie de notre groupe cible que nous devons atteindre. Le canal joue un rôle important dans la diffusion de votre marque d'employeur.»
Argenta aussi vise ce groupe cible particulier des jeunes non connectés. «Nous ne fermons pas nos agences parce que nous pensons que notre réseau hors ligne est extrêmement important», explique Hanne Coolkens. «Une partie des jeunes veut se rendre dans une agence quand le sujet est important pour eux. Pour les candidatures aussi, les contacts personnels conservent toute leur pertinence. Raison pour laquelle nous encourageons les recommandations: nos salariés nous amènent de nouvelles recrues.»
Hanne Coolkens veut que chacun devienne ambassadeur de l'organisation, pas seulement les salariés. «Si vous vous engagez en faveur du bien-être et que vos collaborateurs sont satisfaits, ils resteront vos ambassadeurs, même quand, plus tard, ils ne travailleront plus pour vous. Nous estimons que c'est important. Conserver les salariés n'est pas un objectif en soi. Mais s'ils nous quittent, nous voulons savoir pourquoi.»
Jan In ’t Ven a une opinion un peu différente, basée sur son expérience. «Commencez par chercher vos early adaptors. Tout le monde ne devient pas ambassadeur du jour au lendemain. Parfois, les salariés font simplement leur travail avec plaisir, sans qu'ils ne recommandent particulier leur employeur. En fait, il est impossible de satisfaire les moindres désirs de tous vos salariés… Les attentes professionnelles peuvent beaucoup varier entre ouvriers et universitaires, y compris dans la même entreprise. L'employeur peut s'investir dans le développement personnel et la collaboration mais celui qui travaille uniquement pour payer ses factures, vous ne pourrez pas compter sur lui pour votre marque d'employeur. Commencez donc par les early adopters et espérez que d'autres collègues imiteront leur exemple et deviendront, eux aussi, vos ambassadeurs.»
Le mieux, c'est quand vos salariés parlent spontanément de votre marque. «Nous employons des jeunes qui sont actifs dans les médias sociaux», témoigne Sarah Cauwenberghs. «Ils partagent spontanément ce qu'ils vivent dans l'entreprise. Ils publient des commentaires sympas sur Instagram, après un événement par exemple. Ce qui nous aide à mettre notre marque en lumière. De plus, c'est sincère.»
Il demeure essentiel de respecter les promesses faites aux candidats. In The Pocket y fait très attention. Emma Braeye: «Tout commence par une bonne intégration. Nous avons conçu pour tous les nouveaux engagés un programme de 30, 60 et 90 jours pour leur permettre de découvrir notre entreprise. Ils rencontrent notamment le CEO, l'équipe de direction et de nombreux collègues pour qu'ils puissent édifier leur réseau interne. La GRH organise le processus mais c'est le salarié qui est aux commandes. Après six semaines environ, nous organisons un entretien et nous posons clairement la question: ce que vous pensiez au départ s'est-il confirmé? Ici, nous apprenons toujours quelque chose d'utile qui nous permet d'affiner notre approche.»
Hanne Coolkens: «Tant que vous écoutez les réactions de votre personnel et que vous en tenez compte, vous n'aurez pas le sentiment de devoir faire vos preuves en permanence, cela se passera automatiquement. Quand quelqu'un s'en va et qu'il nous explique que notre discours ne correspond plus à la réalité, nous menons une enquête. Est-ce vrai? Ou est-ce le ressenti d'un seul individu? Nous avons le sentiment que notre marque découle de ce qui existe, et pas le contraire.»
Dans l'environnement de l'intérim, les salariés travaillent chez les clients. C'est une difficulté supplémentaire. Sarah Cauwenberghs: «Vous avez un discours et une marque d'employeur pour attirer des candidats mais ils ne travailleront pas quotidiennement chez vous mais chez votre client. Vous ne pouvez pas choisir nécessairement l'équipe dans laquelle le candidat sera intégré chez le client. Nous faisons très attention à l'intégration des nouveaux et leur demandons après coup comment leur accueil s'est déroulé. Il faut susciter des attentes réalistes et s'assurer que les collaborateurs savent que nous sommes là s'ils ont quelque chose sur le cœur. Nous nouons beaucoup de contacts, nous déjeunons parfois ensemble et nous nous réunissons régulièrement. Nous essayons de proposer à nos collaborateurs des missions dont nous pensons qu'elle leur conviendra parfaitement, même si le marché ne le permet pas toujours. Mais nous remarquons que nos salariés sont fiers d'être envoyés chez nos clients.»
Tous les experts qui participent à notre débat admettent que la marque d'employeur doit être constamment remise en question. Le coronavirus a été un élément qui a rendu les choses plus problématiques. Emma Braeye: «Par rapport à d'autres secteurs, nous avons de bons chiffres de rétention. Nous avons cependant noté que la crise sanitaire a eu un impact. Nous avons investi depuis longtemps dans notre marque en ligne tout en maintenant des activités en présentiel, comme des réunions, des événements, des rencontres… Ces interactions directes ont disparu et nous avons dû nous réinventer en imaginant de nouveaux points de contact, en ligne et hors ligne.» Chez Argenta, on a assisté au même phénomène. «Nos chiffres de rétention sont bons. Nous diffusons notre message à l'extérieur mais nous avons sous-estimé la différence qui existe entre la communication en ligne et la communication hors ligne. Les bavardages devant la machine à café ont disparu, ce qui a tout changé. Nous avons bien sûr organisé des moments de détente devant les écrans. Mais tout est revenu à la normale quand nous avons enfin pu revenir au bureau.»
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