Nous avons construit des choses ensemble, des choses nouvelles. La dimension collaborative est essentielle.
En décembre dernier, la Chaire labor-H a investi la bibliothèque des sciences et technologies de Louvain-la-Neuve pour organiser un hackathon. Pendant deux jours, étudiants, professeurs et professionnels se sont rencontrés pour imaginer ensemble des modèles d’entreprise plus durables.
Avant tout, un petit rappel de ce qu’est un hackathon. Comme le définissait Lionel Barets (Convidencia) dans notre numéro de décembre, il s’agit d’un évènement de travail intensif de deux à trois jours qui permet de cocréer des solutions innovantes à forte valeur ajoutée. «Contrairement à un brainstorming qui apporte des idées, un hackathon va beaucoup plus loin en développant des projets concrets comme des prototypes ou même des start-ups», écrivait-il.
C'était exactement l'objectif de l'opération menée par la Chaire labor-H. L'hackathon a réuni pendant deux jours des chercheurs, des professionnels des ressources humaines et des étudiants de la Louvain School of management. «Nous voulions lancer un projet collaboratif pour réfléchir sur la durabilité et sur la quête de sens au travail», explique Laurent Taskin, professeur de gestion des ressources humaines et initiateur du projet. «En partant d’une page blanche, nous souhaitions réinventer des processus RH avec pour thématique centrale la durabilité. Plus concrètement, il s’agissait de repenser la rémunération, non seulement en termes de salaire, mais aussi en tenant compte de tout ce qui a de la valeur pour les employés. C'est-à-dire le package salarial, les avantages, les formations, l'équilibre privé-professionnel...»
Que s'est-il passé concrètement pendant ce marathon d'un week-end? Dès le premier jour, répartis en plusieurs groupes, les participants et participantes ont eu des discussions animées. Les tableaux blancs se sont remplis de questions, de mots-clés et de post-it de toutes les couleurs. Dans cette ambiance survoltée, les idées ont fusé. Objectif commun? Améliorer le quotidien des travailleurs et répondre à l’évolution du monde de l’entreprise. Différents axes de réflexion se sont dessinés peu à peu.
Les échanges d'idées ont été stimulés par des présentations de chercheurs et chercheuses, des directeurs et directrices des ressources humaines. Chaque groupe a alors sélectionné une problématique et a commencé à réfléchir aux solutions que l'on pourrait trouver.
Les participants sont unanimes: cette approche change des cours académiques. Elle permet de penser en dehors de certaines conventions. En même temps, cela peut être difficile pour des étudiants à qui on demande d’être scolaires, ou à des gens qui sont en poste depuis quelques années dans un métier qu’ils maîtrisent. «Cela dit, les attentes évoluent, ce qui nécessite de repenser les modèles», affirme Laurent Taskin.
Le professeur insiste sur l’importance de la collaboration entre les différents acteurs du projet. «Nous avons construit des choses ensemble, des choses nouvelles. La dimension collaborative est essentielle.» Le partage d’expériences entre les professionnels, les chercheurs et les étudiants était au centre des ateliers. «Les témoignages des différents DRH nous ont aidés à obtenir des éclairages plus concrets, d'autant plus nécessaires pour les étudiants qui n’ont pas encore d’expérience professionnelle.»
La seconde journée était consacrée au partage des résultats. Selon leur principe même, les hackathons doivent déboucher sur des réalisations concrètes, l'exercice de réflexion n'est pas gratuit. À Louvain-la-Neuve, au travers de petites saynètes suivies de séances de questions-réponses, les groupes ont présenté leurs projets à un jury composé d’experts du management, de l’économie, de la GRH et de la durabilité.
Si l’innovation était le maître-mot de ces mises en situation, aucune place n'était laissée à l'approximation: la faisabilité des projets a été passée au crible par des jurés intransigeants, mais toujours bienveillants.
Pari réussi pour Laurent Taskin, dont l’ambition était de pouvoir «vivre un processus très innovant» à travers ce projet. Qui sait, les idées nouvelles qui ont émergé pendant l’hackathon révolutionneront peut-être le monde du travail de demain… En tout cas, elles pourraient donner des pistes aux organisations pour mieux respecter les critères de durabilité définis par les Nations Unies.
«Je pense que les participants ont apprécié d’être à la source de progrès et de contribuer concrètement à une gestion des ressources humaines soutenable», conclut Laurent Taskin. «Que ce soit pour les étudiants, pour les chercheurs ou pour les DRH, c’est une expérience vraiment unique qu'ils se rappelleront longtemps. Cette aventure humaine va au-delà des résultats qui ont été présentés au jury.» Résultats qui seront publiés au cours du premier semestre de l'année.
Cette expérience n'aurait pas été envisageable sans la participation des quinze organisations privées et publiques qui soutiennent la Chaire labor-H, le H soulignant l'objectif de parvenir à un management plus humain. Ces partenaires financent des recherches scientifiques sur le sujet. L'un des trois thèmes de l'année concerne l'attractivité des entreprises mesurée dans une étude de longue haleine.
Laurent Taskin
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Fonction: Professeur de la Louvain School of Management
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