Notre devoir est de participer activement au changement.
L’internationalisation, le travail agile, la numérisation et la diversification sont les fers de lance d’Elia. Le département des ressources humaines contribue à cette stratégie grâce au changement de culture initié il y a cinq ans.
Quelle est la stratégie d’Elia?
Peter Michiels: «Lorsque Chris Peeters est devenu CEO il y a sept ans, il voulait apporter un nouveau souffle à l’entreprise. Cette société d’utilité publique typiquement belge devait devenir un acteur international, se diversifier, être plus agile. Nous sommes également engagés dans la transition énergétique, non seulement pour passer des combustibles fossiles aux énergies renouvelables, mais aussi pour adopter un modèle de consommation différent. Il faut non seulement des infrastructures pour recharger les véhicules électriques et hybrides, mais aussi un système de gestion approprié. De plus en plus de maisons sont chauffées avec des pompes à chaleur et sont équipées d’une domotique intelligente. Il faut donc des services énergétiques qui optimisent la consommation. La numérisation est un fer de lance essentiel, tant pour assurer la stabilité du fonctionnement du réseau que pour fournir aux clients finaux des incitations qui n’existent pas encore aujourd’hui. Notre mission est de répondre à ces défis, soit en étant fournisseur direct pour un client, soit en mettant en œuvre un certain nombre de choses dans le système central. Cela s’applique non seulement aux consommateurs individuels comme vous et moi, mais aussi aux consommateurs industriels. En Belgique, nous avons plus de 200 clients directs, les sociétés de distribution traditionnelles comme Fluvius, Cibelgas et Ores, mais aussi de nombreux clients industriels comme BASF, ArcelorMittal, des constructeurs automobiles et de grands hôpitaux.»
Pour réussir son pari, le CEO a besoin d’un département RH solide, qui l’assiste dans cette tâche. Comment faites-vous?
Peter Michiels: «Dans notre département RH, nous faisons aujourd'hui des choses que nous n'avions jamais faites auparavant. S’engager dans la numérisation n’est pas seulement une question d’outils et de systèmes. Nous travaillons notamment avec l’école de programmation MolenGeek afin d’adopter un mode de pensée différent. Comment construire un service numérique: quelles sont les données dont je dispose, comment les exploiter et les structurer pour que l’utilisateur final puisse obtenir un résultat significatif? La technologie oblige également l'entreprise à être beaucoup plus agile. La structure typique d’un projet (idée-concept-groupe de travail) prend beaucoup trop de temps, surtout pour les projets numériques. Comme dans les entreprises informatiques, il faut travailler en tribes avec des sprints et en se montrant agile. Je ne suis pas favorable à tous ces nouveaux mots, mais dans ce cas-ci, c’est pertinent. Nous essayons d’ancrer cette façon de travailler, même dans les projets non numériques, afin d’être beaucoup plus agiles.»
Vous avez commencé ce changement de culture il y a cinq ans. À quel point cela a-t-il été difficile d’obtenir l’adhésion des salariés?
Peter Michiels: «Culture d’ingénieurs oblige, nous avons commencé par une prise de mesures fin 2017. Cela a fait apparaître des points forts que nous ne voulions absolument pas perdre: la fierté de nos employés, leur expertise, leur spécialisation et leur volonté de faire vraiment bien les choses. Une faiblesse, par exemple, était la pensée en silo. Nous étions une société d’expertise qui croyait fermement au contrôle vertical. Cela se traduisait par des clubs solidement installés dans leur pré carré qui en savaient beaucoup sur un domaine particulier, mais qui voyaient aussi leur univers s’arrêter là. On ne travaillait pas avec les autres. Une autre faiblesse est que nous voyions uniquement les choses qui ne fonctionnaient pas. Il y avait donc peu de reconnaissance du travail bien fait. Dans une telle culture, il n’est pas facile d’innover ou d’expérimenter. Nous avons donc lancé MAD – make a difference – pour faire entrer dans l’entreprise cette culture entrepreneuriale, l’innovation, la collaboration, le courage d’expérimenter, mais aussi d’échouer.»
Le développement durable est une priorité pour Elia. Comment la mettez-vous en pratique?
Peter Michiels: «Des initiatives éparses existaient déjà, mais nous avons tout regroupé dans un projet global, baptisé Act Now et basé sur cinq axes: climat, économie circulaire, sécurité et santé, diversité et inclusion, gouvernance. Le CFO s’occupe de la circularité et du climat, je m’occupe des trois autres axes. Nous travaillons, par exemple, sur la transition énergétique, non pas parce que cela nous rapporte de l’argent, mais parce que la société au sens large en a besoin. Nous essayons de rester cohérents avec ces valeurs et ces normes et d’agir en conséquence. La diversité et l’inclusion jouent un rôle important: si nous regardons autour de nous, nous voyons beaucoup d’ingénieurs blancs d’âge moyen. Nous voulons changer notre fusil d'épaule, et pas seulement en recrutant des femmes pour le service juridique, la communication ou les ressources humaines afin de contrebalancer les ingénieurs masculins. Pour moi, la question ne s’arrête pas aux genres, c’est aussi une question de milieu, d’expérience et d’âge. Nous voulons un bon mélange pour qu’Elia soit un reflet de la société.»
Les quotas ne vont pas assez loin pour vous?
Peter Michiels: «Il est facile d’ajouter deux femmes à une équipe de vingt ingénieurs masculins, mais il faut aussi faire tomber les barrières internes. Souvent, le feed-back des personnes aux profils issus de la diversité est qu’elles subissent une pression pour s’assimiler à la culture dominante. Dans ce cas, la diversité n’existe que sur le papier. L’inclusion est plus importante que la diversité. Si vous ne donnez pas à ces personnes une voix ou un impact, vous pouvez embaucher des genres et des couleurs différents tant que vous le voulez, mais rien ne changera au final. Par exemple, nous avons clos la discussion sur le foulard il y a cinq ans. Il faut tout simplement l’autoriser, sinon vous excluez un certain groupe. Il existe de nombreux dossiers symboliques de ce genre, comme le fait que les femmes ne pourraient pas grimper aux mâts sur le terrain. C’est n’importe quoi. Il faut battre en brèche cette pensée machiste, sinon vous continuerez à avoir des murs et des plafonds invisibles. Autre cliché: les ressources humaines et les ingénieurs seraient deux populations distinctes, alors qu’on peut parfaitement les mélanger. J’ai été l’un des premiers à faire entrer des ingénieurs au département RH pour ouvrir nos horizons. Le changement de culture a été mené par une ingénieure. Je ne voulais pas qu’il soit perçu comme un projet soft des RH, mais comme un projet de toute l’entreprise.»
Vous siégez également dans le comité de rémunération du conseil d’administration. Qu’en tirez-vous comme enseignements?
Peter Michiels: «Qu’il faut écouter non seulement l’actionnaire, mais aussi les investisseurs. Il y a quelques petits actionnaires qui sont clairement engagés dans les investissements verts. Ils représentent moins de 5% et n’ont pas beaucoup d’impact, mais ce sont des personnes qui donnent souvent le ton. Elles agissent comme le canari dans la mine de charbon. Nous leur demandons toujours ce qu’elles apprécient ou non dans notre rapport de rémunération. Je les écoute quand elles nous disent que nous devons être plus transparents par rapport aux KPI liés à la durabilité, la circularité et le climat.»
À quel point la guerre des talents fait-elle rage au sein d’Elia?
Peter Michiels: «Beaucoup d’investissements sont consacrés à l’offshore. Nous allons encore construire de nombreuses infrastructures. Nous avons donc besoin de nouveaux collaborateurs pour un marché qui n’est pas encore prêt à 100%. Nous avons misé sur deux axes. L’un des fers de lance est de préserver l'efficacité de notre programme de recrutement. Le délai entre la rédaction d’une offre d’emploi et l'arrivée d’une personne à ce poste doit être le plus court possible. Il faut travailler de manière beaucoup plus agile. D’un autre côté, nous savons aussi que ceux qui ont le profil parfait n'existent pas. Le système traditionnel d’enseignement ne produira pas les profils dont nous avons besoin pour l’offshore, les infrastructures et les fonctions de chefs de projets. Ce sont déjà des métiers en pénurie aujourd’hui. Du côté de la direction et des RH, nous avons pris l’initiative de centraliser toutes les structures de formation et de former les gens en interne. Alors que dans le passé, 90% des nouveaux arrivants possédaient les compétences et l’expérience requises, à l’avenir, ils ne seront peut-être plus que 60%. Il faut combler ce fossé. Outre notre propre concept d’académie, nous essayons aussi de travailler dans un écosystème avec d’autres partenaires. Je pense à MolenGeek pour les formations numériques ou au port d’Ostende avec qui nous avons un centre de formation commun pour les formations portant sur l’offshore, l’ingénierie, la maintenance et le numérique. Le concept idéal serait une Technopole en bord de mer pour mettre la technologie davantage sous les feux des projecteurs tout en centralisant les formations. Et parce que nous ne pensons pas avoir le monopole de la vérité ni devoir tout inventer nous-mêmes, nous avons des contacts avec Besix, DEME et De Nul. Nous ne les considérons donc pas comme des concurrents. En regardant ce qui se passe ailleurs, nous apprenons beaucoup.»
Vous avez commencé votre carrière dans l’informatique, mais vous avez rapidement évolué vers les RH. Comment décririez-vous votre style de leadership?
Peter Michiels: «Je suis quelqu’un qui aime comprendre le contexte général avant de définir des actions ou des stratégies pertinentes. La stratégie de l’entreprise en un élément essentiel de mon approche. Je laisse à mes collaborateurs suffisamment de liberté pour qu’ils soient entreprenants. Il ne faut pas vouloir imposer trop de règles ou de procédures. Tout cadenasser dans un système rigoureux va à l’encontre de l'agilité que nous prônons. J’ai toujours considéré la GRH comme un produit. J'essaie donc d'adopter une approche commerciale dans ce domaine. Nous devons être à l’écoute de ce que veut le terrain, mais nous devons aussi être suffisamment pragmatiques pour élaborer des solutions qui ont du sens. Il est facile de définir des projets qui rapporteront quelque chose dans cinq ans, mais il faut aussi voir ce que les gens en retireront demain. Le comité de direction me considère comme une sorte de baromètre de la culture. Quand certaines choses ne vont pas, je soulève le problème et j’ose appeler un chat un chat. Gérer la communication et les attentes est important pour moi. La GRH doit être une force motrice pour aider l’entreprise à conserver sa pertinence et sa modernité. Selon moi, répondre simplement aux demandes du terrain n’est pas suffisant. La méthode traditionnelle – plan, permis, accord, appel d’offres et construction – ne fonctionne plus. Il faut faire beaucoup plus de choses en parallèle, et donc aussi préparer l’organisation. C’est le rôle de la GRH. Je veux guider l’organisation de manière proactive dans la bonne direction. Il est de notre devoir d'être les architectes du changement.»
Comment y parvenez-vous?
Peter Michiels: «Nous maintenons la communication avec les parties prenantes, tant internes qu’externes: le conseil d’administration, les actionnaires, les syndicats, les conseils d’entreprise et notre direction. La concertation doit être soutenue pour que les choses ne se transforment pas en problème. Nous formons une seule et même équipe, mais avec des perspectives différentes. Le climat social était bon dans toutes les entreprises où j’ai travaillé, même si ce n’était pas toujours le cas au début. Les relations sociales ne sont pas un fardeau, mais un élément essentiel de la façon dont j'envisage le travail.»
Vous avez travaillé dans différentes sociétés d’ingénierie. Qu’est-ce qui vous attire dans cette culture?
Peter Michiels: «J’ai commencé ma carrière chez SD Worx, puis je l’ai poursuivie dans plusieurs multinationales. Revenir travailler dans une véritable entreprise belge comme Elia n’était pas évident pour moi. Tous les membres de mon réseau m’ont également prévenu que je serais frustré, car l’image du ministère de l’électricité a la vie dure. Le bon côté de la culture d’ingénieur est que vous devez vous appuyer sur des faits et des chiffres. Ici, les grands concepts ne fonctionnent pas. Vous ne pouvez emporter l'adhésion des ingénieurs qu’avec des données, mais une fois que vous les avez convaincus, la machine se révèle incroyablement efficace. Pour moi, le triangle CEO, CFO et GRH doit être très fort. J’ai appliqué ce concept à l’ensemble de l’entreprise. Dans chaque département, vous avez un contrôleur financier, le HR Business Partner et le chef de département. Ce triangle est le reflet du modèle situé tout en haut de l’entreprise. Cela doit bien fonctionner partout pour avoir une bonne compréhension des ressources dont vous disposez, des changements qui se produisent et des talents dont vous disposez. Pour moi, ce sont les pierres angulaires. Si ce triangle ne fonctionne pas, cela se ressent immédiatement.»
Le groupe Elia est constitué de plusieurs filiales, parmi lesquelles les gestionnaires du réseau de transmission Elia Transmission Belgium et 50Hertz Transmission (pour le nord et l'est de l'Allemagne). S'y ajoute la société de conseils Elia Grid International.
Elia Transmission Belgium et 50Hertz Transmission gèrent ensemble 19.197 kilomètres de lignes à haute tension qui fournissent de l'électricité à trente millions d'utilisateurs. Le groupe fait partie du top cinq des gestionnaires européens de réseaux de transmission.
Les principales activités du groupe Elia concernent le développement et l'entretien du réseau de transmission électrique, la gestion de l'équilibre entre la consommation et la production et la facilitation de l'accès au marché. Le groupe conçoit encore des solutions innovantes pour améliorer l'intégration des énergies renouvelables dans le système.
En Belgique, Elia employait en 2021 1.491 personnes.
La durabilité est au cœur de la stratégie de l'entreprise. C'est ce que reflète l'initiative ActNow, basée sur l'action climatique, l'économie circulaire et la protection de l'environnement, la santé et la sécurité, la diversité, l'égalité des chances et l'inclusion, la gouvernance, les valeurs éthiques et la conformité aux règles.
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