Béatrice Delbeuck Béatrice Delbeuck, Directrice du pôle RH, Juridique et Achats de la SWDE
Texte
Liliane Fanello
Image
Wouter Van Vaerenberg

La GRH est devenue un besoin stratégique pour la compagnie

1 janvier 2022
Pour l’instant, la charge émotionnelle est notre plus gros challenge
La Société wallonne des Eaux (SWDE) a entamé sa grande transformation il y a quelques années déjà. Dans cette société où pendant longtemps les ressources humaines étaient cantonnées à l’administration du personnel, le volet RH est aujourd’hui un pilier fort du plan stratégique. 2022-2027 donnera la priorité à l’accompagnement de la ligne hiérarchique. Une révolution lente, mais inévitable.

La Société wallonne des Eaux (SWDE) a entamé sa grande transformation il y a quelques années déjà. Dans cette société où pendant longtemps les ressources humaines étaient cantonnées à l’administration du personnel, le volet RH est aujourd’hui un pilier fort du plan stratégique. 2022-2027 donnera la priorité à l’accompagnement de la ligne hiérarchique. Une révolution lente, mais inévitable.

Béatrice Delbeuck est directrice du pôle RH, Juridique et Achats de la SWDE. Le fait que la fonction RH partage jusqu’à présent une directrice avec les achats et le service juridique est plutôt révélateur d’une culture où la gestion de l’humain n’a pas toujours été la priorité. Il faut dire qu’à la base, la SWDE est avant tout une société technique, composée en grande partie de techniciens à tous les niveaux. «Nous avons de bons techniciens, qui sont aussi des managers, mais cela veut dire que parfois ils ont un peu de mal à se projeter en tant que chefs», constate-t-elle.

Elle-même, avant de s’occuper de développement de compétences et d’accompagnement, était du côté technique du miroir. Ingénieure civile en électronique, elle a fait ses débuts à la SWDE au bureau d’études en tant qu’électromécanicienne. Elle a ensuite gravi les échelons jusqu’à un poste de directrice adjointe, puis responsable de succursale. «En 2012, j’ai eu la possibilité de rejoindre le centre de compétences, un nouveau service de recrutement et de formations mis en place par la direction.» Cet outil interne à la SWDE a été rattaché au service RH quelques années plus tard. Béatrice Delbeuck occupe ses fonctions actuelles depuis 2016.

De la police au partenariat

Le parcours atypique de Béatrice Delbeuck et de son service témoigne d’une histoire RH qui se cherche, qui avance pas à pas… «Notre service était davantage considéré comme une sorte de police, c’est-à-dire le département garant du respect des règlements. Nous voulons abandonner complètement cet héritage. Je souhaite vraiment que le service RH soit un partenaire qui aide et accompagne. C’est pour cela que le nouveau plan stratégique met autant l’accent sur l’accompagnement du personnel et des lignes hiérarchiques.»

Dans ses plans stratégiques précédents, la SWDE a réalisé un gros travail pour optimiser les coûts, notamment via la numérisation. Ce chantier a conduit à la reconversion en interne d’un certain nombre de membres du personnel, dont le métier ou une partie du métier est devenue obsolète. «Comme notre volonté est de ne laisser personne sur le carreau, nous avons accompagné toutes ces personnes avec des bilans de compétences, un suivi et des formations», continue Béatrice Delbeuck. «C’était le cas par exemple des indexiers. Tous ont été reconvertis. Certains sont allés vers des fonctions commerciales, d’autres vers des rôles de surveillance de marché ou de deviseur… L’accompagnement s’est fait au cas par cas, en fonction de leurs compétences et de ce qu’ils souhaitaient.»

Des déceptions à gérer

L’autre grand chantier qui a occupé la directrice ces dernières années a été la création des filières de carrière. Celles-ci offrent aux membres du personnel une meilleure visibilité sur les possibilités d’évolution et les passerelles au sein de l’entreprise. «Cela aussi, c’est un grand changement culturel. Mais c’est aussi un risque», constate-t-elle. «En effet, je pense que l’organisation des filières a amené beaucoup d’espoirs. Malheureusement, tout le monde n’a pas accès aux promotions qui se présentent, ce qui entraîne des déceptions dans le chef de ceux qui ne sont pas repris.» Un travail de pédagogie et une transparence maximale sur les épreuves aident à amortir celles-ci. «Nous essayons aussi de faire passer le message suivant: chaque poste est important dans l’entreprise et nous avons besoin de tout le monde!»

Tous acteurs de l’avenir

L’ambition du nouveau plan stratégique 2022-2027, approuvé par le conseil d’administration le 3 décembre, est affichée: «Accompagnons chaque membre du personnel pour qu’il soit acteur du projet d’entreprise et de son épanouissement professionnel.» Ce qui change par rapport au passé? «C’est un tournant dans l’histoire de la SWDE. Avant, nous étions plus concentrés sur les outils. Aujourd’hui, nous avançons davantage sur l’humain», affirme Béatrice Delbeuck.

La SWDE va travailler sur trois axes: l’axe de l'individu, à savoir accompagner le développement personnel, l’axe de l'organisation, où la volonté est de développer l’animation managériale et l’intelligence collective, et enfin l’axe de l'écosystème, où la SWDE se positionne comme moteur du développement des compétences dans le secteur de l’eau. «Le nouveau plan stratégique prévoit huit programmes et la GRH vient en soutien de pratiquement chacun d’entre eux, ce qui montre à quel point l’ensemble de l’entreprise a besoin du volet RH pour se développer», se réjouit-elle.

Parcours individualisés

Le mot-clé du nouveau plan est donc l’accompagnement personnalisé. «Nous avons toujours donné beaucoup de formations. L’objectif maintenant est de développer chaque membre du personnel via des plans de développement complètement individualisés.»

La ligne hiérarchique est sans doute le plus gros morceau des années à venir, tant les enjeux qui reposent sur elles sont importants. «Nous avons déjà mis en place un parcours général pour les cadres. Nous avons commencé à travailler sur l’animation managériale. Nous avons passé en revue toutes les équipes pour analyser comment chacune se positionne sur différents points, dont nos valeurs. Chaque manager a ensuite pu recevoir l’aide d’un coach pour discuter de l’équipe et voir quels points peuvent être améliorés. Nous allons maintenant mettre en place un accompagnement personnalisé de chaque manager qui en a besoin, pour améliorer les choses petit à petit, aussi bien sur l’animation managériale que sur le développement des compétences de son équipe.»

Intelligence collective

Le nouveau plan stratégique introduit aussi la notion d’intelligence collective. «Nous sommes encore assez légers sur le sujet mais nous avons commencé par des intervisions avec toutes les personnes d’un même niveau hiérarchique. Il s’agit d’une sorte de partage d’expériences et de bonnes pratiques, où les personnes parlent des problèmes rencontrés au quotidien. Nous voulons privilégier l’apprentissage par l’expérience.»

Comment les managers vivent-ils ces changements? «De manière générale, plutôt positivement, mais c’est clair qu’il y a aussi de la résistance au changement. Ça peut être déstabilisant pour eux. Et puis il faut dire que les deux dernières années ont été fort compliquées. Tout le monde est un peu sur la réserve pour le moment et on a un peu l’impression que si on rajoute la moindre chose, ça risque d’exploser.»

Marque d'employeur

Pour maintenir son niveau de service, la SWDE aura besoin de recruter, d’ici 2027, 300 personnes. Principalement dans des métiers en tension. L’attractivité du secteur et de l’entreprise fait donc aussi partie des chantiers RH. Le temps où la SWDE portait l’étiquette d’entreprise «sclérosée et lourde» est révolu. L’entreprise a entrepris de soigner sa marque d'employeur. «Nous avons très fortement changé notre manière de recruter. Nous sommes actifs sur les réseaux sociaux. Nous avons adopté une communication plus dynamique et sommes aussi très proactifs en matière de stages. Nous nous rendons dans les écoles, nous essayons de faire en sorte que les candidats aient une bonne image de notre entreprise», décrit Béatrice Delbeuck.

La SWDE a besoin d’une marque d'employeur forte. «Nous sommes en effet attachés à un barème et nous manquons de flexibilité dans notre système de rémunérations. Heureusement, le fait d’opérer dans l’environnement est un atout pour nous aujourd’hui.» Si bien que même dans les métiers en pénurie, la SWDE ne s’en tire pas trop mal pour attirer de nouveaux candidats. «Enfin, nous travaillons aussi avec d'autres acteurs pour augmenter l’attractivité du secteur de l’eau. C’est l’axe écosystème du plan stratégique. Nous aimerions créer des synergies pour cet aspect, entre autres, et renforcer collectivement notre marque d'employeur.»

Il faudra du temps

«Le nouveau plan stratégique va nous permettre d’avancer dans le bon sens, mais tout cela prendra du temps!» Entre la crise sanitaire qui n’en finit pas, et les inondations de cet été qui ont eu un impact important sur les infrastructures et sur le personnel – une série de salariés s’étant retrouvées sans domicile –, Béatrice Delbeuck et son équipe évoluent pour l’heure dans un contexte peu propice aux grands changements.

«Ce dont je suis la plus fière, c’est de constater l’esprit d’équipe qui règne dans le service. Nous restons soudés. Si un membre lâche, les autres sont derrière pour aider, car la période est très compliquée pour le service RH. Elle l’est bien sûr pour tout le monde. Mais en tant qu’accompagnateurs du personnel, nous sommes là pour écouter les difficultés de nos collègues dans l’entreprise. Quand on connaît les gens, ça rend la prise de recul plus difficile. Ce qui a un gros impact sur le moral de l’équipe, au point que pour l’instant, la charge émotionnelle est le plus gros challenge à gérer.»

Le plus grand acteur wallon de l’eau

Les activités de service public de la SWDE sont définies par le Code de l’eau et concernent principalement trois domaines: la production d’eau (captage, pompage et potabilisation), la distribution d’eau potable par canalisations et la protection des ressources en eau destinées à la consommation humaine. Liée au gouvernement wallon par un contrat de gestion, la SWDE est le plus grand distributeur d’eau de Wallonie. Elle couvre 67% du total des raccordements. Elle compte environ 1.400 membres du personnel, dont 80% de statutaires.