Le public ne sait pas toujours que nous sommes une entreprise de haute technologie
À cause d'une succession de fusions et de rachats, la culture du groupe Flint est loin d'être homogène. C'est à Hélène Boehlen, toute nouvelle DRH, de rassembler les troupes sous un même étendard. Un défi, avoue-t-elle. «Notre approche ne peut pas être angélique, nous restons une entreprise technologique.»
Quelle est la stratégie de votre entreprise?
Hélène Boehlen: «Le groupe Flint s'efforce d'être le meilleur fournisseur des imprimeurs et des fabricants d'emballage. Dans la plupart des segments, nous sommes leaders du marché et nous voulons le rester. Notre stratégie vise à continuer à progresser dans ces différents segments, notamment en misant sur l'innovation continue. Mais nous voulons aussi grandir en rachetant des concurrents et en optimalisant certains processus. En Belgique, le groupe Flint est surtout connu parce qu'il possède Xeikon, un fabricant mondialement réputé de solutions d'impression numériques. L'entreprise, située à Lier, est très technologique et abrite un grand département de R&D. Aujourd'hui, la culture est devenue un élément central de notre stratégie. Le management a compris l'importance de disposer d'une culture d'entreprise homogène pour conserver le personnel.»
Mener à bien cette transformation culturelle est l'une de vos tâches principales…
Hélène Boehlen: «Oui. Ces dernières années, j'étais DRH de Xeikon, la division numérique de Flint Group Digital. Je m'y suis investie activement dans la culture. Mais comment faire pour que des équipes internationales soient intégrées dans une culture unifiée alors même qu'elles travaillent très loin du siège central? La réponse? Nous devons nous recentrer sur nos salariés. Que veulent-ils? Pour le savoir, nous avons participé à l'enquête The Great Place to work afin de découvrir ce que nous devons changer de façon urgente. Première préoccupation révélée par cette étude: la communication. Nous avons dès lors lancé une plateforme spéciale, Xeikon On, pour tous les collaborateurs dans tous les pays. Nous progressons aussi dans les domaines de la gestion des talents et du bien-être. Attention, nos collaborateurs sont très orientés sur la technologie, nous devons éviter l'angélisme.»
Comment allez-vous faire pour créer une identité culturelle commune?
Hélène Boehlen: «Nous abordons cette transformation comme un vrai projet. Notre première étape a été de définir une mission – We bring colour to the world – puis de formuler des valeurs essentielles (Accountable, Collaborative, Trustworthy, Sustainable). Nous voulons avant tout que les salariés se sentent chez eux dans l'entreprise. Nous allons nous occuper beaucoup plus sérieusement de la gestion des talents au niveau du groupe. Nous perdons parfois des professionnels de valeur parce qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils ont des opportunités dans une autre division ou dans un autre pays. Mon objectif est de favoriser la mobilité interne, ce qui est essentiel pour conserver les connaissances. Quoi qu'il en soit, il n'est pas simple de donner une dimension globale à ce projet culturel. Mobiliser six mille salariés dans le monde entier, c'est une autre histoire que d'intervenir auprès de trois cents personnes, comme je le faisais chez Xeikon. Une enquête pourra être utile en Belgique mais ce ne sera pas nécessairement le cas dans d'autres continents. En Asie, par exemple, les salariés sont toujours satisfaits de leur employeur alors qu'aux États-Unis, ils vous balanceront quatre pages de commentaires. En conséquence, on ne peut pas utiliser partout la même recette. Il nous faut des ambassadeurs régionaux qui connaissent les besoins locaux. Je me suis aussi très vite rendu compte que la GRH ne peut pas changer la culture à elle seule. Le plus grand défi pour ce genre de transformations, c'est de trouver des sponsors et des ambassadeurs.»
Quelles sont vos priorités?
Hélène Boehlen: «La première est de mettre en place un processus de recrutement uniforme au niveau du groupe. Chez Xeikon, par exemple, nous avons créé un programme d'accueil et d'intégration sans papier, ce qui n'est pas encore le cas dans de nombreux pays. Je souhaite aussi approfondir la numérisation de la gestion des talents afin de documenter le parcours de chacun. Enfin, je veux remettre de l'ordre dans les données maîtres de notre centre de services partagés en Pologne. Les fondamentaux de notre GRH doivent être impeccables pour pouvoir avancer. Nous avons beau imaginer de magnifiques projets culturels, si le paiement des salaires n'est pas irréprochable, nous ne récolterons que des frustrations. Ces données doivent être justes. Les chiffres ont toujours été importants pour moi.»
Est-ce dû à votre passé financier?
Hélène Boehlen: «Probablement. J'ai une formation financière mais je suis arrivée par hasard dans la GRH en acceptant mon premier emploi dans le recrutement. J'ai ensuite exercé plusieurs fonctions où les données étaient capitales, mais toujours dans la GRH. Je suis passée par la gestion des salaires, les avantages extralégaux, les budgets. Quand j'ai changé de job, c'était toujours pour découvrir une nouvelle facette de ce métier. Je suis plutôt généraliste. C'est ce que j'apprécie dans la GRH, les compétences douces ont leur importance, les chiffres aussi. Même un programme culturel exige une budgétisation et un suivi de projet rigoureux. Si vous vous contentez de dire que les salariés se sentiront mieux demain, vous n'obtiendrez aucun financement. Il en ira tout autrement si vous êtes capable de prouver, chiffres à l'appui, que l'entreprise pourra conserver plus de travailleurs et plus de connaissances. Les dimensions humaines et financières de la GRH sont essentielles.»
Dans quelle mesure souffrez-vous de la pénurie de main-d'œuvre?
Hélène Boehlen: «Trouver des profils techniques hautement qualifiés n'est pas simple. En Belgique, l'équipe de R&D de Xeikon emploie plus de cent spécialistes en électronique, mécanique et logiciels. Les attirer est une chose, les retenir en est une autre. Comme d'autres sociétés, nous connaissons un taux élevé de démissions aux États-Unis: certains salariés ont envie de faire autre chose après la pandémie ou veulent travailler de façon plus flexible. Dans notre pays, nous voulons mieux faire connaître notre entreprise: les gens ne savent pas toujours que nous sommes une entreprise de haute technologie. Nous projetons dès lors de participer à plus de salons professionnels et si possible, d'encadrer plus de thèses. Enfin, nous avons organisé récemment des journées de l'innovation. Cet événement inspirant est susceptible d'attirer de jeunes diplômés mais donne aussi beaucoup d'énergie à nos collaborateurs. À cet égard, nous avons créé une sorte de bourse qui leur permet d'échanger des idées et des projets.»
Quels sont vos plus grands défis?
Hélène Boehlen: «Le saut numérique en est un. La diversité et l'inclusion sont également prépondérantes. Ainsi, la direction est toujours composée d'hommes uniquement. J'ajoute le développement du leadership. Enfin, les individus veulent être maîtres de leur carrière. Nous voulons mieux les accompagner. Au lieu de les interroger sur leurs projets à cinq ans, nous leur demandons comment ils pensent que notre entreprise pourra les aider à atteindre leur objectif. Il est fantastique de voir à quel point ils sont ambitieux, mais cela demande une tout autre approche.»
Quand serez-vous satisfaite?
Hélène Boehlen: «Quand nos collaborateurs se sentiront réunis sous le même étendard. Quand aussi la collégialité entre les différents départements sera une réalité et nos processus seront automatisés et simplifiés. La GRH sera alors moins bureaucratique et nous pourrons consacrer plus de temps à des entretiens de qualité et à l'accompagnement de nos collaborateurs.»
Le groupe Flint opère au niveau mondial et compte environ 5.600 salariés dans 50 pays. Son chiffre d'affaires atteint 1,5 milliard d'euros. Il veut être le fournisseur global des imprimeurs et des fabricants d'emballages. L'entreprise est le résultat d'une longue série de fusions et de rachats.
Xeikon, sa division numérique, est établie à Lier. Trois cents personnes y travaillent dont une centaine dans le département de R&D. L'innovation est le moteur de cette société. Son agilité est l'un de ses atouts pour résister à ses concurrents de taille plus imposante et pour conserver sa position de leader du marché.
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