Hilde Goossens Hilde Goossens, General Manager HRM & General Affairs de Daikin
Texte
Melanie De Vrieze
Image
Wouter Van Vaerenberg

Mobilité des salariés: l'émergence d'une nouvelle normalité chez Daikin

1 mars 2022
Nous pensons qu’une autre expérience professionnelle est la meilleure manière d’apprendre et d’évoluer. La plupart de nos leaders ont gravi les échelons dans l’organisation
Daikin, une entreprise qui opère dans le chauffage, la ventilation, l'air conditionné et la chaîne du froid, veut embaucher dans les cinq prochaines années 400 personnes en Belgique afin de soutenir sa croissance. L'évolution interne de ses collaborateurs fait aussi partie de ses priorités. «Nous croyons dans le potentiel illimité de notre personnel», assure Hilde Goossens, General Manager HRM & General Affairs de Daikin.

Daikin, une entreprise qui opère dans le chauffage, la ventilation, l'air conditionné et la chaîne du froid, veut embaucher dans les cinq prochaines années 400 personnes en Belgique afin de soutenir sa croissance. L'évolution interne de ses collaborateurs fait aussi partie de ses priorités. «Nous croyons dans le potentiel illimité de notre personnel», assure Hilde Goossens, General Manager HRM & General Affairs de Daikin.

Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur votre stratégie et sur vos activités?

Hilde Goossens: «Les confinements ont pesé sur nos opérations mais nous ne sommes pas restés désœuvrés. Nous avons pu reprendre en deux jours nos activités dans notre usine d'Ostende en respectant toutes les normes de sécurité. Tous les cinq ans, nous préparons un plan stratégique: nous l'avons fait en 2020 malgré la pandémie. De nombreux salariés venant de tous les départements sont impliqués dans ce processus et participent à des séminaires et à des réunions. Mais du jour au lendemain, tout a dû se faire en ligne. Nous savions aussi que des changements allaient se produire dans le marché, que la crise allait ouvrir des opportunités. La demande de ventilation et de purification de l'air a augmenté. Et là où la demande a baissé dans les bureaux et dans les hôtels, nous avons observé une hausse manifeste dans le marché résidentiel parce que les gens ont investi leur budget de voyage dans la rénovation de leur logement. Nous n'avons pas dévié de notre direction stratégique. Nous sommes préoccupés depuis longtemps par la durabilité du chauffage et de la chaîne du froid; le virus ne nous a pas fait changer d'avis. Au contraire, le Green Deal de l'Union européenne et le plan de relance NextGenerationEU promeuvent la neutralité carbone des bâtiments et de la chaîne du froid. Ce sont aussi nos priorités pour les prochaines années. La chaîne du froid par exemple joue un rôle essentiel dans le transport des vaccins et nous prévoyons de croître dans ce marché. En définitive, l'évolution a été plutôt positive.»

Comment votre organisation affronte-t-elle le covid-19?

Hilde Goossens: «Pour ne pas mettre en danger la continuité de notre entreprise, c'est toute l'organisation qui a retroussé ses manches, de la production à la R&D en passant par le département commercial. Nous avons mis sur pied une task force pour que nous puissions réagir rapidement. Nous avons très vite retracé les contacts des personnes contaminées et nous avons conçu une politique de voyage basée sur des codes couleur. Nous avons attaqué la crise de façon pragmatique, avec bon sens. Notre politique a eu un résultat: nous avons eu très peu de contaminations internes dans l'entreprise.»

Quelles sont les leçons que vous tirez de la pandémie?

Hilde Goossens: «Dans ces circonstances, vous découvrez les forces et la résistance de l'organisation, de même que le potentiel des individus. Notre style de gestion de la crise – nous sommes pragmatiques et nous prenons des décisions rapidement – semble efficace; il devrait avoir son utilité dans l'avenir. Je suis fière de la résilience de nos collaborateurs pendant cette période incertaine et difficile. Ils ont montré leur capacité à s'adapter et ont continué à donner le meilleur d'eux-mêmes.

Personne n'aurait pu deviner jusqu'à quel point la collaboration virtuelle et le télétravail pouvaient s'étendre. Dans le passé, Daikin était plutôt conservateur et ne prévoyait que deux jours de télétravail par mois. Grâce à l'expérience positive que nous avons connue pendant la pandémie, nous prévoyons désormais deux jours par semaine. C'est un grand progrès et nous ne reviendrons pas en arrière. Cela dit, nous avons choisi délibérément de continuer à nous voir en présentiel les autres jours. Le contact personnel est irremplaçable.

La crise a aussi eu des effets durables dans le domaine de la formation. LinkedIn Learning a connu beaucoup de succès pendant la crise. Nous continuerons à organiser certains événements sous une forme hybride ou virtuelle, en plus des rencontres physiques. Nous veillons de toute façon à ne pas aller trop loin. La présentation de nouveaux collègues, par exemple, est l'un de ces moments qui exigent de se tenir en face à face. Nous voulons rester fidèles à notre culture qui fait la part belle à la connexion et à la communication informelles. Il faut conserver l'équilibre entre ce que l'on peut faire à distance et ce qui doit être réalisé en présentiel.»

Quelles sont les priorités de votre département RH?

Hilde Goossens: «Au niveau mondial, Daikin s'appuie sur un plan à cinq ans. Le management centré sur les personnes est la pierre angulaire de cette perspective à long terme. Nous distinguons plusieurs priorités pour 2020-2025. La première est de faire de chaque salarié un ambassadeur de notre entreprise. Quand j'ai commencé ici il y a 25 ans, 650 personnes travaillaient pour Daikin Europe dans trois pays. Aujourd'hui, nous employons 12.000 personnes en Europe, au Moyen-Orient et dans une partie de l'Afrique. L'intégration des nouvelles recrues s'effectuait de façon très informelle. Mais quand une organisation grandit à ce point, il faut que la connexion émotionnelle avec elle soit beaucoup mieux structurée. Notre entreprise repose sur des valeurs fortes; les managers jouent donc un rôle capital en la matière. Ce sont eux qui, en se montrant inspirants et en donnant du sens à l'action de leur équipe, parviennent à créer un lien émotionnel entre les salariés. Nos programmes de formation intègrent d'ailleurs des sessions sur le management inspirant. Nous envisageons aussi d'organiser un parcours d'intégration pour les nouveaux engagés qui leur permettrait de s'immerger dans tous les recoins de l'entreprise pendant un an. Ce qui leur donnerait l'occasion de la connaître en profondeur. Notre croissance est organique mais nous procédons aussi à des achats et à des fusions. Nous devons dès lors intégrer ces autres travailleurs dans l'organisation.»

L'un de vos objectifs est de préparer l'entreprise à affronter l'avenir, en particulier dans le domaine des ressources humaines. Comment vous y prenez-vous?

Hilde Goossens: «Nous avions jusqu'alors une structure RH décentralisée mais nous voulons créer une seule équipe RH pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique. Nous nous basons pour ce faire sur le modèle d'Ulrich. Nous regroupons les composants plus régionaux (langue, législation) dans un centre de services alors qu'un centre d'expertise s'occupe de tout le groupe. Nous ne souhaitons pas imposer par le haut ce processus de transformation, nous préférons la cocréation. Ce n'est pas toujours le chemin le plus aisé mais il est le plus durable.»

Améliorer l'expérience des employés est une troisième de vos priorités. Comment allez-vous augmenter l'engagement du personnel?

Hilde Goossens: «Je distingue deux pistes. En premier lieu, nous voulons mieux écouter la voix de nos salariés. Nous croyons dans un ensemble d'instruments, comme des enquêtes thématiques, un feed-back à 360 degrés et Gemba que nous utilisons pour le feed-back individuel (Gemba est un mot japonais qui signifie lieu réel. Pour Daikin, c'est l'endroit où le travail est effectué, car c'est là que réside la valeur ajoutée pour le client). Pour bien écouter vos collaborateurs, vous devez vous rendre sur le terrain, là où se déroule l'action. Notre direction japonaise par exemple nous rend visite chaque année pendant deux jours pour s'imprégner de l'ambiance et discuter avec le management. C'est une valeur qui fait partie intégrante de l'entreprise. Quelle que soit votre position dans la hiérarchie, vous devez sentir ce qui se passe, et pas seulement en comptant sur les rapports de vos managers. Quand vous voulez savoir si un restaurant est bon, il vaut mieux le tester que se reposer sur des on-dit.

Deuxième point d'action: la mobilité des salariés, vue comme une nouvelle normalité. Nous pensons qu'une autre expérience professionnelle est la meilleure manière d'apprendre et d'évoluer. La plupart de nos leaders ont gravi les échelons dans l'organisation. Nous souhaitons rendre cette mobilité plus accessible, notamment en publiant des offres d'emploi ou des témoignages sur notre intranet.»

Comment organisez-vous cette mobilité?

Hilde Goossens: «Nous avons lancé récemment un programme d'un an et demi qui offre à de jeunes diplômés la possibilité d'accumuler de l'expérience en travaillant dans des départements différents pendant une durée de six mois. Nous investissons actuellement dans un pool d'une quinzaine de jeunes qui se font les dents dans plusieurs divisions, comme la R&D, la production, la vente et les services de soutien. Ils sont toujours au milieu de ce parcours mais plus tard, ils pourront être mis au travail très facilement dans des fonctions variées. Ils incarnent cette mobilité.»

Vous vous préoccupez aussi de la numérisation. Quelles opportunités offre-t-elle à la GRH?

Hilde Goossens: «De nombreux processus transactionnels s'effectuent encore trop souvent par téléphone et par e-mail. Grâce à la numérisation, les collaborateurs du département RH ont plus de temps pour mettre leurs connaissances et leur expertise au service des salariés et des managers. C'est un virage que nous devons prendre. De cette manière, nous deviendrons des partenaires de l'entreprise à part entière et nous l'aiderons à réaliser sa stratégie.»

Dans le cadre de votre plan de croissance, vous voulez engager à l'horizon de 2025 4.000 personnes dans le monde, dont 400 en Belgique. Ce n'est pas rien dans un marché de l'emploi en pénurie.

Hilde Goossens: «Nous cherchons des candidats pour une carrière, pas pour une fonction. C'est une de nos particularités. C'est vrai, nous savons qu'être employé dans la même organisation pendant toute sa vie n'est plus d'actualité. Nous cherchons néanmoins des individus qui veulent progresser et relever des défis sur la durée. Tout en correspondant à l'ADN de Daikin. Ce dernier critère est indispensable si nous voulons travailler ensemble à long terme.

Nos salariés ont beaucoup de marge de manœuvre. Les stagiaires sont souvent étonnés de l'étendue de ce qu'ils peuvent faire et apprendre chez nous. Quand nous avons confiance en quelqu'un, nous le laissons prendre ses responsabilités et nous l'aidons. Et nous ne changeons pas d'attitude parce que le marché du travail est en pénurie. Nous réfléchissons avec nos managers aux profils que nous cherchons. Voulons-nous que le candidat possède toutes les compétences qu'il nous faut? Ou allons-nous le former nous-mêmes? Je pense que c'est l'option la plus réaliste. Par ailleurs, nous devons mieux montrer ce que nous avons à offrir. Miser sur notre marque d'employeur ne suffit plus. Raison pour laquelle nous comptons sur des ambassadeurs de Daikin dans les différents départements. Il s'agit souvent de jeunes qui ont terminé leurs études quelques années plus tôt et partagent leur expérience avec leurs pairs pour les convaincre de nous rejoindre.»

Que faites-vous pour conserver vos salariés?

Hilde Goossens: «Nous utilisons les mêmes ingrédients que pour attirer les candidats. Il est important qu'ils se sentent bien chez nous, qu'il y ait une concordance entre leur essence et celle de Daikin et qu'ils aient de bonnes relations avec leurs collègues et leurs managers. Certains moments privilégiés nous tiennent à cœur. Nous organisons toujours des cérémonies pour célébrer ceux qui travaillent chez nous depuis longtemps. Nous avons le goût des moments chaleureux, comme les fêtes de Noël ou les excursions d'un jour, même si notre entreprise a beaucoup grandi. Ces deux dernières années, ces rencontres étaient forcément virtuelles. Pour préserver ce sentiment familial, nous avons lancé en 2021 Daikin Radio, et l'année d'avant une émission de télévision. Dans notre politique de rétention, deux choses sont essentielles: les opportunités de progression et les challenges que nous proposons. Nous discutons avec nos collaborateurs de leurs forces et de leurs centres d'intérêt. Nous croyons dans le potentiel illimité de nos salariés. C'est la philosophie japonaise. L'un de nos ouvriers est devenu chef de la production. Je travaille ici depuis 25 ans et j'ai aussi progressé, d'abord employée du service RH pour devenir aujourd'hui General Manager HRM & General Affairs EMEA. Nous créons l'environnement juste pour favoriser ces évolutions, un environnement dans lequel les individus se sentent respectés, savent qu'on leur fait confiance et qu'ils ont toutes leurs chances. Nous leur apprenons aussi à prendre des risques. L'échec est normal. C'est une façon d'apprendre. Si vous voulez que vos collaborateurs prennent des initiatives, apprennent et progressent, il faut accepter ce risque d'erreur. L'engagement à long terme de part et d'autre est un point fort. Quand un salarié éprouve des difficultés dans sa carrière, nous restons à ses côtés. À ceux qui veulent faire autre chose, nous donnons la possibilité de s'adresser à un coach de carrière pour expliquer ce qu'ils ont sur le cœur. Et ceux qui menacent d'être frappés par un burn-out peuvent appeler anonymement un conseiller. Cette méthode plus accessible a beaucoup de succès.»

Daikin va investir dans les prochaines années 840 millions d'euros dans le monde. Environ 140 millions seront injectés dans un nouveau centre de R&D à Gand.

Hilde Goossens: «Cet investissement dans le centre de R&D est un signe de confiance de la part de la direction japonaise. Ce centre, qui se spécialisera dans les pompes à chaleur, n'est pas régional mais mondial. Notre organisation prend aussi de plus en plus de responsabilités globales dans le développement de produits et de solutions durables pour la chaîne du froid. Daikin a choisi Gand parce que nous collaborons de façon positive avec l'université et quelques start-ups.»

Quelle est la caractéristique de votre GRH?

Hilde Goossens: «Elle est basée sur ce que nous sommes; nous ne courons pas derrière les modes. Nous gardons les yeux ouverts sur ce qui se passe dans notre environnement mais nous vérifions toujours si telle ou telle nouveauté correspond à nos valeurs. Nous sommes confiants dans la force de notre expertise mais nous travaillons à long terme avec des partenaires durables. La confiance dans le potentiel de nos collaborateurs est essentielle. La réussite et la croissance de Daikin reposent sur son personnel. Ce qui caractérise notre GRH, c'est que nous engageons des candidats pour une carrière, pas pour une fonction. Nous investissons beaucoup de temps dans le processus de sélection qui implique de nombreuses personnes. Vous n'accueillez pas un parfait inconnu dans votre famille sans certaines précautions. Autre caractéristique: notre introduction. Hors pandémie, nous montrons notre entreprise dans tous ses aspects pendant deux jours aux nouveaux venus. Nous organisons des sessions d'information sur notre approche centrée sur l'être humain et sur la stratégie de Daikin. Des cadres supérieurs prennent le temps de donner ces explications. Le premier soir, nous prévoyons un dîner pour qu'un contact informel se noue entre les nouveaux collègues et la direction.»

Que voulez-vous encore réaliser?

Hilde Goossens: «Si nous réussissons à boucler notre plan à cinq ans, nous aurons fait un grand pas en avant. Le département RH veut encore mieux comprendre l'entreprise et ses partenaires pour que nous puissions les aider à réaliser leur stratégie. En réalité, je crois que la GRH doit avoir plus d'audace. Pas seulement chez Daikin, mais dans de nombreuses entreprises, je constate une certaine appréhension. La GRH doit écouter, s'immerger dans les préoccupations de l'entreprise et assumer ses responsabilités. À ces conditions, nous pourrons réaliser ensemble de grandes choses.»

Que fait Daikin?

Daikin Europe est le quartier général européen de la recherche, du développement, de la vente et de la production de ce groupe d'origine japonaise. L'entité possède trois sites, à Ostende, Gand et Bruxelles. Elle opère en Europe, dans certaines parties de l'Afrique et au Moyen-Orient. Dans cette région étendue, Daikin Europe emploie près de 12.000 personnes. Daikin veut mettre au point des solutions innovantes et économes en énergie pour le chauffage, les pompes à chaleur et la chaîne du froid (alimentation et pharmacie).