Jan Ooms Jan Ooms, Head of HR and Change de Brussels Airlines
Texte
Melanie De Vrieze
Image
Wouter Van Vaerenbergh

Nous cherchons à retrouver plus de stabilité

1 juillet 2022
Les salariés ont dû accepter des sacrifices financiers mais nous les avons compensés par un plan cafétéria.
Jan Ooms est devenu DRH de Brussels Airlines au beau milieu de la crise sanitaire. Son objectif principal? Réintroduire une certaine stabilité dans la compagnie aérienne nationale. Ses fers de lance? Les recrutements, la croissance et la mobilité interne.

Jan Ooms est devenu DRH de Brussels Airlines au beau milieu de la crise sanitaire. Son objectif principal? Réintroduire une certaine stabilité dans la compagnie aérienne nationale. Ses fers de lance? Les recrutements, la croissance et la mobilité interne.

Brussels Airlines a mis en œuvre en 2019 un plan de réorganisation qui a été baptisé Rebootpour conduire l'entreprise à renouer avec les bénéfices. Quand la pandémie a éclaté, la compagnie a modifié ses projets en concevant un programme de transformation plus ambitieux, Reboot Plus.

Quel était l'objectif de Reboot Plus?

Jan Ooms: «Notre volonté était de conserver le maximum de salariés. En même temps, nous voulions que notre réorganisation reste la plus humaine possible en offrant l'option du départ volontaire ou de la mise à la retraite, tout en effectuant des économies. Nous avons discuté avec les partenaires sociaux pour réexaminer les barèmes salariaux. Résultat? Les salariés ont dû accepter des sacrifices financiers mais nous les avons compensés par l'élaboration d'un plan cafétéria. Un certain pourcentage de leur salaire brut a été converti en points qui leur ont permis d'optimaliser leur rémunération, avec par exemple le choix d'une voiture de société, d'un vélo électrique, de warrants ou d'options. Dans plusieurs entreprises, le plan cafétéria est considéré comme un bonus alors que pour nous, il s'agissait d'atténuer une perte de salaire. Certains de nos collaborateurs ont vite avalisé cette mutation, d'autres ont eu besoin de plus de temps. Nous avons travaillé avec des agents du changement, des collègues venus de différents départements et qui nous ont aidés à diffuser notre message. La phase de la réorganisation et de l'implémentation du plan cafétéria est derrière nous, mais nos collaborateurs peuvent toujours nous adresser leurs questions. Les agents du changement sont aussi intervenus quand nous avons créé notre nouvelle image en novembre de l'année dernière.»

Cette nouvelle marque, avec notamment un nouveau logo, a provoqué beaucoup de réactions.

Jan Ooms: «Le moment n'était pas idéal, mais notre opération devenait urgente parce que nous voulions montrer au marché que nous n'allions pas disparaître. Il était important de faire passer ce message à nos clients: nous sommes de retour et nous investissons. Ce message ne s'adressait pas uniquement à nos passagers mais aussi à nos collaborateurs.»

Quelles sont les priorités du département RH?

Jan Ooms: «La croissance est notre priorité. Recruter de nouveaux collègues est donc une préoccupation de tous les jours. Par ailleurs, j'essaie de retrouver une certaine stabilité dans l'organisation. Ces deux dernières années, beaucoup de changements se sont produits. Troisième priorité: la diversité. Nous voulons nous concentrer plus particulièrement sur notre hub africain. Enfin, le thème de la reconnexion est essentiel. Les collaborateurs opérationnels n'ont pas pu voler pendant une certaine période et sont longtemps restés chez eux. Les employés administratifs ont généralement pu continuer à travailler mais à distance. Nous avons senti qu'il était nécessaire de se reconnecter. Nos bureaux sont dès lors équipés pour tenir des réunions hybrides, le travail à distance étant devenu la norme. Nous fêtons ensemble nos succès, nous organisons des petits déjeuners et nous prévoyons un drink par mois.»

Brussels Airlines a décidé de n'appliquer aucune règle pour le temps passé au bureau ou en télétravail?

Jan Ooms: «C'est exact. Nous misons à fond sur la flexibilité et sur le bien-être de nos collaborateurs et nous souhaitons qu'ils prennent en main leur carrière. Ils choisissent où et quand ils travaillent, en fonction de la tâche qu'ils doivent accomplir. La situation est différente pour chacun, nous ne sommes pas dans le prêt-à-porter. Une réunion physique de l'équipe est cependant obligatoire une fois par semaine. Pour les autres jours, ce sont les équipes et les individus qui décident si la présence est nécessaire. L'accent est placé sur le résultat de leur travail et pas sur le nombre d'heures qu'ils passent au bureau. Nous sommes convaincus que nous deviendrons un employeur plus attractif grâce à ces mesures qui améliorent l'équilibre entre le travail et la vie privée. Nous observons que la jeune génération accorde beaucoup d'importance à cet équilibre. Auparavant, les candidats nous posaient beaucoup de questions sur les voitures de société; aujourd'hui, ils s'intéressent beaucoup plus à la manière dont ils vont répartir leur temps de travail.

Dans un premier temps, nos collaborateurs se posaient beaucoup de questions sur cette liberté et sur cette flexibilité. Beaucoup exprimaient le besoin de disposer de directives claires. Un an plus tard, les choses se passent très naturellement. Les réunions physiques ont lieu entre 10 et 16 heures pour ne pas interférer avec l'horaire des écoles.»

Brussels Airlines a enregistré en 2021 une perte de 189 millions d'euros. Comment allez-vous maintenir la stabilité que vous recherchez?

Jan Ooms: «Le public a de nouveau envie de voyager et de partir en vacances. C'est une constatation positive pour nous. À cet instant, nous essayons de rester sur une ligne droite sans passer d'un changement à l'autre. Nous sondons nos collaborateurs. Ils estiment que la stratégie de l'entreprise et la direction qu'elle veut prendre sont claires. Nous voulons retrouver la croissance et tout mettre en œuvre pour y parvenir. Bien sûr, il y a toujours des facteurs sur lesquels vous n'avez pas de prise, comme la guerre en Ukraine. Elle provoque une augmentation du prix des carburants et aura un impact sur nos résultats.»

Dans le transport aérien, la saison d'été a déjà commencé. Vous souhaitez éviter les situations chaotiques que l'on rencontre dans certains aéroports, avec de longues files d'attente et des annulations de vols.

Jan Ooms: «Les compagnies aériennes évoluent dans un écosystème qui comprend de nombreux partenaires. Les aéroports et les manutentionnaires de bagages souffrent de graves problèmes de recrutement. (Dans leur ensemble, les entreprises présentes à Brussels Airport cherchent 1.200 collaborateurs, NDLR). De son côté Brussels Airlines cherche 300 salariés, mais pas dans les opérations. Nous n'avons licencié aucun pilote. Comme nous l'avions prévu dans notre plan de restructuration, nous avons proposé les fonctions de personnel de cabine en premier lieu aux anciens collègues dont nous n'avions pas prolongé le contrat à durée déterminée à cause de la pandémie. 90% de ces personnes ont répondu positivement à notre demande et ont démissionné de leur emploi pour revenir chez nous. Aucun pilote n'a dû partir parce que nous les avions placés provisoirement dans un régime de travail à temps partiel. Pour les opérations au sol, nous avons également suffisamment de personnel. Trouver des renforts pour notre département Maintenance & Engineering, comme des ingénieurs ou des techniciens, est plus difficile mais c'est logique. Ces profils sont rares sur le marché.»

Aujourd'hui, vous recherchez plus de 300 renforts alors qu'en 2020, 310 personnes ont été licenciées. Ne pouvez-vous pas en récupérer quelques-uns parmi ceux-là?

Jan Ooms: «Non, il s'agit surtout de personnes qui sont parties volontairement. Certains collaborateurs qui étaient sous contrat temporaire sont revenus. Mais l'entreprise s'est aussi transformée. Nous avons besoin de profils différents. Nous recherchons plutôt des compétences dans les domaines de la durabilité, de la numérisation et de l'innovation pour aider notre entreprise à affronter l'avenir.»

Ne pouvez-vous former certains salariés actuels pour les aider à évoluer vers de nouvelles fonctions?

Jan Ooms: «C'est ce que nous faisons. Nous publions aussi nos offres d'emploi en interne. Quand l'un de nos employés se montre intéressé et qu'il a un potentiel, nous lui donnons l'opportunité de progresser. Nous essayons de rencontrer nos collaborateurs une fois par an pour voir où ils veulent aller et ce dont ils ont besoin pour avancer. Il est important qu'ils réfléchissent eux-mêmes à leur avenir. Nous les accompagnons en leur proposant des formations mais cela ne suffit pas. Ils apprennent énormément en s'impliquant dans des projets et en multipliant les expériences. Nous offrons par exemple à un employé du département juridique l'opportunité de remplacer une collègue en congé de maternité dans le service du corporate development. C'est un beau parcours d'apprentissage pour cette personne. Elle pourra aussi se rendre compte si ce poste lui plaira. Les gens ont parfois une certaine idée d'une fonction mais ils ne peuvent savoir si elle les intéresse qu'en l'exerçant.»

Accompagnez-vous aussi les cadres? Ils ne voient pas avec plaisir leurs meilleurs éléments partir dans un autre département.

Jan Ooms: «Nous avons organisé récemment un séminaire avec nos cadres supérieurs, environ septante personnes. Nous avons parlé de leur inquiétude de voir partir de bons éléments. Nous essayons de les convaincre qu'il vaut mieux faire évoluer quelqu'un dans l'organisation pour préserver son enthousiasme. Sinon, il risque de quitter la compagnie. Nous tentons d'ouvrir les yeux de nos responsables.»

Comment décririez-vous votre GRH?

Jan Ooms: «Je souhaite créer la bonne culture, pas seulement dans l'entreprise mais aussi dans mon équipe. Il est essentiel que nous regardions tous ensemble dans la même direction. Je veux responsabiliser mes collaborateurs notamment par le biais d'une politique libérale du travail hybride. Ici, la connexion et la confiance jouent un grand rôle.»

Vous accordez beaucoup d'importance à l'esprit d'équipe. Comment l'entretenez-vous?

Jan Ooms: «Dans la navigation aérienne, le plaisir est un facteur fondamental. En plus des réunions d'équipe et des entretiens individuels, nous organisons des journées au cours desquelles nous apprenons à mieux nous connaître. Il nous arrive régulièrement d'aller boire un verre après le travail. Ce qui entretient les relations entre les collaborateurs. Mon département fête aussi les petits succès, par exemple quand quelqu'un a réussi à terminer un travail alors que le temps pressait.»

Avez-vous d'autres sujets de préoccupation?

Jan Ooms: «En plus de cette quête de stabilité, nous travaillons beaucoup sur la numérisation. Nous étudions actuellement l'acquisition d'un nouveau système de données maîtres. Les processus deviennent plus complexes, les tâches de base doivent être automatisées. Le déploiement de ce système est prévu pour la fin de l'année.»

«Chez Brussels Airlines, il y a deux groupes: ceux qui ont été embauchés récemment et ceux qui sont là depuis longtemps. Ces deux populations doivent s'intégrer l'une à l'autre. Pour moi, il est important d'associer ceux qui ont une certaine ancienneté aux nouveaux venus. Nous les faisons travailler sur des projets. Et nous les invitons à réfléchir ensemble en organisant des rencontres hors site. Grâce au processus de transformation, la compagnie ne ressemble plus à celle qu'elle était il y a cinq ans.»