Lorsque nous réalisons un business case, nous nous adressons au CEO et au CIO pour leur montrer ce que l’on peut retirer de la numérisation.
Les experts réunis autour de notre table ronde sont tous des spécialistes des ressources humaines et des données. Ils travaillent pour des organisations RH qui sont en pleine numérisation. Ils ne voient plus d’excuses pour que la GRH ne se mette pas à utiliser les données.
David Van De Sype (Mitsubishi Chemical Group) ne croit pas en une stratégie numérique indépendante qui se concentrerait uniquement sur l’aspect technologique. «Je plaide pour une approche numérique envisagée sous quatre angles: la technologie, les données, les processus et les personnes. Tout cela dans le cadre d’une vision qui a pour but de rendre les opérations plus efficaces, plus simples, moins chères et plus attirantes.»
Les participants de notre table ronde consacrée à la stratégie numérique connaissent des départements RH qui ne travaillent pas encore avec des données ou dans lesquels une stratégie numérique n’a pas encore été élaborée. Pourtant, il n’y a plus aucune raison de ne pas relever ce défi, estime Tom Mentens (Flexso for People). Il constate encore un certain immobilisme de la part des départements RH. Les organisations n’agissent souvent que lorsque la continuité de leurs ressources humaines est menacée ou lorsqu’un besoin de changement radical se fait sentir, note-t-il. «Les entreprises commencent alors par numériser un département, par exemple, pour correspondre à leur marque d'employeur. Cette dernière se définit non seulement à partir de l’idée que l’on se fait d’une fonction, mais aussi de l’environnement de travail. Autrement dit, il est préférable d'avoir une cohérence entre le positionnement d'un employeur à l’extérieur et la façon dont les processus fonctionnent à l’intérieur. Sinon, celui qui se retrouverait dans un environnement non numérisé risquerait fort d'être déçu. Ce qui rendra l’attraction de nouveaux collaborateurs plus difficile à long terme. Un autre élément plaidant pour un changement radical est une technologie existante — éventuellement obsolète — dont les licences expirent et qui ne donne pas réelle satisfaction. Il s’agit d’un moment idéal pour repenser l’une ou l’autre chose en profondeur.»
Le VDAB est avancé dans l’utilisation intelligente des données. Amedee Audooren, directeur du département Architecture et Innovation, appelle à une utilisation réfléchie des données. «En tant qu’entreprise, cela fait déjà trente ans que nous sommes passés de systèmes manuels (le bac à fiches) à la numérisation des informations, c’est-à-dire des données. Cela s’applique à tous les domaines, y compris aux ressources humaines. Ce que le VDAB s’efforce de faire pour ses clients (trouver et proposer un emploi adéquat, offrir la bonne formation), il le fait aussi en interne pour ses collaborateurs. La masse de données (big data) qu’elle capte au cours de ce processus sert à aider les gens, et non à en tirer un profit. Pour chaque projet que nous lançons et qui implique des données, nous travaillons avec un outil d’évaluation de l’impact sur la vie privée que nous soumettons à notre Data Privacy Officer. Une équipe examine d’un œil critique les questions relatives aux données et, si nécessaire, les soumet au comité de direction. Leurs conseils sont rigoureusement suivis. Le traitement responsable des données fait partie intégrante de nos processus.»
Pour le client-utilisateur, le VDAB est très transparent en matière de données. Si le client veut ignorer les entreprises sponsors qui sont présentées en premier, il peut sélectionner les cookies correspondants. Le VDAB traite également de manière intelligente la masse de données recueillies. L’objectif est de récolter de nouvelles informations sur le marché du travail et d’obtenir de meilleures offres d’emploi. C’est la raison pour laquelle l’intelligence artificielle est déjà mise au service des données. «Cependant, nous continuons à mettre tout ce qui concerne les données et le numérique au service de l’humain», déclare Amedee Audooren. «Je conseille à tout le monde d’utiliser les données de manière réfléchie et de s’en servir pour améliorer les processus de décision des travailleurs.»
Que les données tiennent compte de l’aspect humain, c’est le credo de Jim Clijmans, Marketing Manager d'United Consulting. Pour lui, la numérisation et l’utilisation des données doivent toujours rester centrées sur l’humain et rester en accord avec les valeurs et la personnalité de l’organisation. «Nous avons beaucoup grandi, mais nous demeurons une entreprise familiale. Notre force réside dans notre indépendance et, surtout, dans notre approche personnalisée et humaine. Des qualités que nous voulons préserver à l’ère des données et de la numérisation. C’est pourquoi nous avons pris la décision délibérée, en interne, de ne pas tout automatiser dans l'expérience des salariés et des candidats, même si nous pouvions le faire. Nous utilisons énormément d’analyses de données et d’automatisation numérique, mais à chaque moment de contact important, nous faisons en sorte qu’une personne de confiance est prête à interagir.»
Jim Clijmans considère que la culture de son organisation, qu’il qualifie de personnalisée, enthousiaste, créant du lien et humaine, est l’un des atouts pour les candidats. «Nous ne manquons aucune occasion de communiquer à ce sujet vers le monde extérieur. Nous le faisons grâce à des témoignages (people stories) authentiques sous forme de vidéos, de photos et de textes. Grâce à ces mini-campagnes, nous attirons les bonnes personnes qui correspondent à notre ADN. De plus, nos témoignages sont largement relayés et partagés par nos 600 consultants. Nous n'utilisons pas de campagnes de publicité payante ou de re-marketing. Cela ne correspond pas à ce que nous sommes. Nous voulons simplement que les gens apprennent à mieux nous connaître parce qu’ils en ont eux-mêmes envie. Pour cela, il est important que vos collaborateurs soient enthousiastes. Ils deviennent nos ambassadeurs, faisant ainsi la promotion de notre groupe de consultance. Ces communautés se renforcent mutuellement en permanence.»
Jim Clijmans recommande de se montrer prudent, notamment par rapport aux chatbots. «Nos collaborateurs ne doivent jamais avoir le sentiment d’être des numéros. Cela ne nous empêche pas de travailler pleinement avec des données et de numériser ce que nous pouvons. Mais toujours dans le but d’offrir au salarié une meilleure expérience.»
Reste la question de savoir comment s’y prendre. Tom Mentens préconise de définir une stratégie RH à long terme, dont découlera un plan de numérisation. «Cette stratégie peut, par exemple, consister à rechercher une plus grande efficacité. Ainsi, nous voulons passer du temps avec nos clients et ne pas nous épuiser dans la paperasse. L’efficacité peut représenter un gain de temps, mais aussi laisser plus d’espace pour les tâches importantes.»
L’approche de Flexso for People permet de créer non seulement une GRH numérique, mais aussi une flotte numérique, des finances numériques et une administration numérique. «Ce processus permet d’accroître l’engagement des collaborateurs. Une vague de numérisation émerge donc d’une vision RH. Tout cela a un impact sur l’expérience. La question est cependant de savoir qui devrait être le chef de file de cette évolution.»
La numérisation de la GRH ne signifie pas seulement automatiser les demandes de congé et trouver la bonne formation. «La résolution des problèmes liés aux PC et aux voitures est également concernée», continue Tom Mentens. «Nous numérisons tout. Lorsque nous réalisons un business case, nous nous adressons au CEO et au CIO pour leur montrer ce que l’on peut retirer de la numérisation. Nous quantifions les avantages, même si cela n’est pas toujours facile pour les questions liées aux ressources humaines.» En définitive, il faut trouver un équilibre entre le numérique (par exemple, travailler avec un chatbot) et l’humain, par exemple, un entretien de qualité. «Nous visons le phygital, une combinaison de physique et de digital. Quand on y parvient, on obtient un effet positif sur l’expérience des collaborateurs.»
Le département des ressources humaines doit-il investir à l’avenir dans des profils hautement technologiques? David Van De Sype ne le pense pas. «Les outils deviennent de plus en plus conviviaux. Il n’est pas nécessaire de comprendre le fonctionnement d’un téléphone pour l’utiliser. Il en va de même pour de nombreuses applications avec lesquelles vous travaillez. Je constate le même phénomène dans la technologie des analyses RH, la numérisation des processus et les analyses prédictives. Beaucoup de choses sont prêtes à l’emploi et conviviales, et peuvent être mises en œuvre très rapidement dans votre organisation.» Tom Mentens est du même avis: «En tant que professionnel des ressources humaines, vous devez avoir une compréhension de ce qui existe en matière de pratiques numériques plutôt que de posséder une technicité informatique. Ce sont deux choses différentes. Nous aidons les gens à établir des feuilles de route numériques et à fournir des solutions RH sans que tout le monde comprenne tout ce qui se cache derrière.»
Les ressources humaines reposent encore sur l’intuition. Jim Clijmans le sait bien. «Il m’est déjà arrivé de recruter des personnes en me basant sur mon ressenti, alors que sur le papier, le bon candidat ne s’était pas immédiatement démarqué.»
Tom Mentens: «L’intuition doit être étayée par les données et les analyses. La GRH doit encore faire des progrès dans ce domaine. Vis-à-vis du comité de direction, il est préférable d’utiliser les outils qui permettent d’éliminer l’intuition et de la remplacer par des décisions scientifiques et fondées sur des données. Cela ne fera que renforcer la crédibilité de la GRH. Vous pourrez alors assumer votre position à la table où sont prises les décisions.» ¶
Si vous voulez vous lancer dans la numérisation et viser une approche efficace, David Van De Sype vous fournit quelques principes clairs comme de l’eau de roche.
• Single source of truth. Conservez vos données de base dans un seul endroit et assurez-vous qu’elles sont correctes et complètes.
• Share – unless. Au lieu de tout protéger, il est préférable de laisser vos données circuler librement, à l’intérieur et peut-être même à l’extérieur de l’organisation. Assurez-vous de tenir compte des règles de sécurité, du RGPD et de conformité.
• Simplify where possible. Gardez tout aussi simple que possible et simplifiez encore lorsque c’est possible. Et aussi: bien, c’est assez bien. La règle des 80-20 % revient souvent: une petite partie du champ d’application crée une grande complexité et rend les processus difficilement gérables.
• Employee experience first. Faites en sorte que tout soit aussi convivial et intuitif que possible, car sinon vous obtiendrez des outils compliqués qui ne seront pas utilisés.
• Digital process approach. La numérisation d’un processus RH ne peut être un simple copier-coller d’un processus tel qu’il existait auparavant.
• Data driven HR. Fondez vos décisions sur des données: nous en sommes encore loin en matière de ressources humaines. L’intuition reste importante, mais les données permettent d’objectiver, et même de prévoir certaines choses.
• Future proof. Lorsque vous démarrez le processus de numérisation, veillez à ce qu’il soit intégré dans votre paysage informatique. Ne mettez pas en œuvre des outils sans examiner comment ils s’intègrent à vos systèmes informatiques existants. Utilisez les normes existantes pour échanger des données et relier les outils.
• Proven solutions. Recherchez les solutions les plus courantes et les plus efficaces du marché qui ont démontré leur valeur ajoutée numérique.
• Executive support. Envisagez l’intégration dans votre organisation en recrutant un Chief Data Officer, qui assurera la gestion depuis le plus haut niveau et contribuera au suivi des questions mentionnées plus haut.
Chaque jeudi dans votre boîte de réception.