Sandra Wilikens Sandra Wilikens, Chief HR Officer de BNP Paribas Fortis Belgium
Texte
Patrick Verhoest
Image
Wouter Van Vaerenberg

Un département RH au service de salariés agiles

1 janvier 2022
Nous avons beaucoup investi dans la responsabilisation de nos collaborateurs
Lors de sa nomination au poste de Chief Human Resources Officer de BNP Paribas Fortis, Sandra Wilikens s'était engagée à augmenter la visibilité du département RH auprès des collaborateurs de la banque, tout en renforçant les relations de partenariat avec eux. Trois ans plus tard, l'heure du bilan a sonné.

Lors de sa nomination au poste de Chief Human Resources Officer de BNP Paribas Fortis, Sandra Wilikens s'était engagée à augmenter la visibilité du département RH auprès des collaborateurs de la banque, tout en renforçant les relations de partenariat avec eux. Trois ans plus tard, l'heure du bilan a sonné.

Peu après votre nomination, vous avez dit que vous vouliez devenir une partenaire pour vos collègues et que vous vouliez augmenter la visibilité de votre département. Avez-vous réussi ce pari?

Sandra Wilikens: «J'occupe cette fonction depuis près de trois ans. Dans le domaine de la visibilité, je pense que nous avons enregistré de sérieux progrès. De façon assez étrange, la pandémie nous a donné un coup de pouce. J'ai constaté par exemple que nos lunchs RH virtuels étaient plus populaires qu'à l'époque où il fallait y assister en présentiel. Cela s'explique évidemment par l'obligation qui a été la nôtre d'utiliser exclusivement les outils numériques. J’ajoute qu’avant la pandémie, nous nous étions beaucoup investis dans le marketing de certaines réalisations de la GRH. Nous avons organisé des réunions d'information sur notre plan cafétéria, qui avait bénéficié d'une publicité insuffisante. Nous avons mis en lumière nos atouts en insistant sur la mobilité verte. Aujourd'hui, 80% de nos salariés se rendent au travail à Bruxelles en utilisant les transports publics. Nous avons donc orienté nos collaborateurs vers des solutions plus écologiques en menant des actions de marketing dans leur direction. La visibilité de la GRH s'est clairement améliorée.»

Ce n'était pas évident puisque vous disposez de moins de moyens dans votre département RH?

Sandra Wilikens: «Effectivement, dans le même temps, notre département a été considérablement allégé. Pour réussir, nous avons dès lors édifié une plateforme solide. Elle s'appelle chez nous HR Direct Access. Nos collègues nous attribuent ici un bon score. Ce moteur de recherche puissant leur permet de trouver rapidement une réponse à leurs questions. Bien sûr, 15% de ceux qui s'adressent à cette plateforme sont transférés au call-center. Notre client interne est satisfait alors que nous travaillons, au niveau de la GRH, d'une manière beaucoup plus efficiente. Notre département a été optimalisé. Dans un monde idéal, il est préférable bien entendu de pouvoir parler directement à son conseiller RH, mais cela n'est plus possible aujourd'hui. Nous étions une entreprise plutôt paternaliste et nous devenons une société qui responsabilise davantage ses salariés. Nous avons atteint notre objectif dans ce domaine tout en conservant un bon niveau de satisfaction des utilisateurs.»

Qu'attend la banque de ses collaborateurs?

Sandra Wilikens: «Nous avons fait un exercice il y a deux ans qui a débouché sur la mise au point de notre stratégie High 5 for 25, une initiative de la GRH. Le résultat? Cinq piliers sur lesquels nous fondons notre stratégie. Nous y avons associé cinq comportements qui sont nécessaires pour la réaliser. L'exercice, piloté par le comité de direction, a été accompagné d'un sondage auprès d'un millier de travailleurs. Il allait dans les deux sens, de la base au sommet et vice versa.»

Culture du feed-back

Vous accordez beaucoup d'importance au feed-back.

Sandra Wilikens: «Nous y travaillons beaucoup. Le feed-back soutient le développement de nos salariés, l'un de nos cinq piliers stratégiques. Pour aider les salariés à évoluer, nous voulons appliquer une culture du feed-back ouvert. Vous devez oser donner un feed-back constructif dans les deux directions, à l'égard, donc, de votre responsable aussi. Deux fois par an, nous sondons nos salariés en leur demandant de répondre à un baromètre de la motivation. Résultat? Trois collègues sur quatre assurent que le feed-back se déroule correctement. Il leur permet d’avancer car ils connaissent leurs forces et leurs possibilités d'amélioration. Cette culture du feed-back et de l'ouverture est un vrai progrès pour notre entreprise. Le principe du banquier positif s'inscrit dans le droit fil de cette culture. C'est un objectif auquel souscrivent nos talents: contribuer à l'édification d'une société meilleure et à la construction de la banque de demain.»

Comment se présente cette banque de demain?

Sandra Wilikens: «Toutes les opérations bancaires usuelles, l'ouverture d'un compte ou la demande d'une carte, doivent se dérouler impeccablement du début jusqu'à la fin. Nous avons pour ce faire créé la plateforme CSC (Client Service Center) qui met nos clients en relation avec le bon spécialiste. Une banque comme la nôtre doit évoluer avec ses clients. Cela signifie que nos collaborateurs doivent se former en permanence pour rester opérationnels. Cela vaut bien sûr pour toutes les fonctions dans l'entreprise.»

Quel est l'impact de la numérisation sur la GRH?

Sandra Wilikens: «Notre département financier et celui de la planification travaillent avec les données dont ils disposent et s'investissent dans l'analytique RH. En nous basant sur des données agrégées, nous sommes en mesure de mieux prévoir les départs naturels. Nous appliquons des analyses historiques pour prédire l'avenir et nous constatons que nous tombons juste dans 95% des cas. Nous en tenons compte pour adapter notre politique de recrutement. Je voudrais aller encore plus loin. Nous avons un réseau social, AboutMe, une sorte de LinkedIn interne, que nous utilisons pour identifier les compétences de chacun. Nous pouvons dès lors proposer des formations adaptées à l'évolution de nos métiers. J'insiste sur une chose: nous n'utilisons jamais de données individuelles et nous procédons toujours avec la plus grande prudence quand nous réalisons des analyses.»

Les temps sont-ils difficiles pour les leaders?

Sandra Wilikens: «Oui, l'époque n'est pas simple pour eux. Pendant la crise sanitaire, nous avons créé un espace spécial pour eux, afin de leur fournir des conseils pour conserver un contact de qualité avec les membres de leur équipe. Nous avons constaté qu'une relation exclusivement numérique débouche sur une déconnexion entre le manager et ses collaborateurs. Cela m'a fait peur. Perdre le contact provoque souvent l'envie d'aller voir ce qui se passe chez nos concurrents. Nous continuons à investir dans le travail hybride. Travailler à distance n'est ni une obligation ni un droit, mais nous pensons que ce mélange offre un équilibre parfait.»

Comment se déroule la collaboration avec les partenaires sociaux?

Sandra Wilikens: «Je suis fière de cette coopération. Nous avons réussi après de longues négociations à avancer le paiement du salaire à la fin du mois. C'était très compliqué techniquement à cause de la rigidité de la législation sociale. Nous sommes parvenus ici à un bon compromis après des discussions fructueuses entre adultes. Tout ne se passe pas toujours aussi bien, mais les négociations se déroulent toujours avec professionnalisme. Le dialogue est important, même s'il peut encore s'améliorer. Nous cheminons ensemble vers le futur et nous comprenons que les partenaires sociaux ont des difficultés à expliquer ce parcours. Je les vois comme des partenaires dont nous avons besoin pour expliquer la transformation de notre organisation.»

Le coronavirus a-t-il exercé une forte influence sur vous et sur la GRH?

Sandra Wilikens: «Cette crise m'a beaucoup appris. La leçon la plus importante? Si nous le voulons, nous le pouvons. Une bonne partie de nos collaborateurs ont été forcés de travailler en virtuel du jour au lendemain. Je suis fière de leur agilité et de la rapidité avec laquelle ils se sont adaptés. En dix jours, l'accès numérique à la banque qui était réservé à moins de trois mille salariés s'est étendu à douze mille. Ici, l'informatique et le département RH ont fait un travail fantastique. Cette période m'a ouvert les yeux. J'ai appris aussi que le contact physique est une dimension importante dans le monde du travail et contribue énormément à la satisfaction professionnelle. D'un autre côté, on voit qu'un certain nombre de travailleurs ont du mal à revenir au bureau. Notre rôle ici est de communiquer clairement sur les raisons de ce retour. La connexion avec la culture de l'entreprise s'estompe si vous travaillez trop longtemps chez vous. Le travail à distance casse la solidarité avec les collègues. Pour moi, le télétravail à cent pour cent n'est pas souhaitable.»

Il y a deux ans, on parlait d'un programme de Febelfin pour augmenter la mobilité externe. Qu'en est-il aujourd'hui?

Sandra Wilikens: «La bonne nouvelle, c'est que nous n'avons pas dû beaucoup y faire appel. Ainsi, deux collaboratrices ont rejoint le secteur des soins de santé. Nous avons donc bien travaillé sur le sujet: lors de notre réorganisation, nous avons misé sur la mobilité interne. Nos salariés sont flexibles et notre département de formation les a accompagnés avec un grand professionnalisme. Par ailleurs, les programmes de fin de carrière ont eu beaucoup de succès auprès des plus de 58 ans. Du coup, nous avons peu utilisé le programme de Febelfin. Pour moi, c'est très positif puisque nous avons réussi à conserver dans nos rangs de nombreux salariés.»