Min Huet Min Huet
Texte
Gert Verlinden
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Wouter Van Vaerenbergh

Ne bridez pas la fierté de vos salariés

1 juillet 2022
Nous sommes heureux de notre pertinence bsociétale, nous ne cachons pas que nous en sommes fiers
Une marque d'employeur authentique et crédible repose sur ce que les salariés montrent au monde extérieur. Raison pour laquelle les entreprises utilisent des ambassadeurs. Mais comment les trouver? Le conseil des participants à notre table ronde: «Misez sur leur fierté, laissez-les monter sur la scène, ils deviendront tout naturellement de grands influenceurs.»

Une marque d'employeur authentique et crédible repose sur ce que les salariés montrent au monde extérieur. Raison pour laquelle les entreprises utilisent des ambassadeurs. Mais comment les trouver? Le conseil des participants à notre table ronde: «Misez sur leur fierté, laissez-les monter sur la scène, ils deviendront tout naturellement de grands influenceurs.

Les entreprises qui veulent compter sur leurs salariés pour vanter leur marque d'employeur doivent d'abord lancer un processus interne de transformation. Min Huet (Aquafin): «Le temps est révolu où un recruteur publiait une annonce sur une plateforme et se contentait d'attendre le résultat. Pour notre part, nous misons sur les techniques de marketing. Techniques que notre équipe de recrutement apprend progressivement. Nous nous plaçons dans la perspective du candidat et nous cherchons à optimaliser son parcours. Nous sommes en pleine transition RH.»

Le SPF Finances estime aussi qu'une transformation interne doit avoir lieu avant de montrer sa nouvelle politique de recrutement au monde extérieur. «Nous avons changé le style de notre communication en direction du marché du travail», souligne Inge Mattens. «Dans le passé, nos messages aux citoyens devaient être secs et factuels. Ce qui ne contribuait pas à améliorer notre attractivité. Or, nous savons que nos collaborateurs sont particulièrement fiers et satisfaits de travailler chez nous.» Pour transmettre ces émotions positives au marché du travail, le SPF Finances a développé une nouvelle stratégie pour sa marque d'employeur, avec le soutien total de la direction. «Depuis, chacun se retrouve dans ce nouveau style plus dynamique. Nous sommes tous très enthousiastes. Il fallait présenter cette énergie au monde extérieur. Nous sommes fiers de notre pertinence sociétale et nous ne nous en cachons pas.»

Guérilla

Les salariés des soins de santé peuvent se prévaloir d’avoir un impact positif sur la société. John Meurysse (hôpital Maria Middelares de Gand): «Les infirmiers et les infirmières sont des héros. Ils ont choisi délibérément ce métier, sans arrière-pensée financière. Pour moi, c'est une vraie vocation. Nous connaissons un faible taux de rotation. Ce qui rend les messages de nos collaborateurs particulièrement authentiques et crédibles. Nous disons ce que nous faisons et nous faisons ce que nous disons.» Cela dit, l'hôpital a dû revoir son processus de recrutement. «Il y a quelques années, nous avons fait un mauvais calcul en négligeant notre marque d'employeur. De plus, les candidats ne savaient pas toujours à qui s'adresser. Aujourd'hui, nous sommes devenus le carrefour où se rencontrent l'offre et la demande. Nous attirons même des profils moins évidents, comme des ingénieurs civils. Pour leur montrer la voie vers ce secteur atypique pour eux, il faut les enthousiasmer.»

Toucher les profils que l'on n'associe pas automatiquement au cœur de métier de l'organisation est un vrai défi pour Inge Mattens. «Nous devons être créatifs si nous voulons que les spécialistes des données ou les laborantins pensent spontanément au SPF Finances comme un employeur potentiel.»

Silke Van Hamme (Delhaize) conseille de mettre en avant les récits individuels des salariés. «Personnalisez au maximum. L'authenticité est le mot clé.» Delhaize associe délibérément sa politique de recrutement à sa nouvelle stratégie clients, une transformation en parallèle qui crée un élan. «Quand nous prétendons que Delhaize améliore la vie, nous visons autant celle de nos clients que celle de nos collaborateurs. Nous sommes une marque à visage humain, pour faire des courses et pour travailler. Nous avons donc opté pour un message identique quand nous nous profilons comme une marque commerciale et quand nous nous adressons à nos futurs salariés.» Delhaize cherche des collaborateurs qui incarnent et affichent les promesses de leur employeur. «Ce sont des gens qui montrent dans les médias sociaux qu'ils ont mangé du lion. Nous les fédérons et lançons même des actions de guérilla pour renforcer leur présence sur les plateformes de communication.»

Accompagner sur le devant de la scène

La recherche d'ambassadeurs n'est pas toujours un long fleuve tranquille. Chez Delhaize, il faut parfois les encourager chaudement. «Nous impliquons nos responsables dans ce processus pour pouvoir donner tous les jours un visage humain à notre culture et à notre marque», souligne Silke Van Hamme.

Est-il difficile de persuader les salariés de s'affranchir de leur timidité pour qu'ils se présentent devant le public? «Vous devez motiver les profils techniques pour qu'ils passent à l'action. Ne pensez pas que tout le monde est capable de communiquer spontanément», insiste Min Huet. «Raison pour laquelle nous travaillons étroitement avec le marketing. Nous partageons d'abord en interne des histoires et de belles pratiques, dans toute leur simplicité. Si vous écoutez les gens et que vous misez sur leur fierté, vous aurez moins de mal à les convaincre. Par la suite, ils se laisseront entraîner par le mouvement.»

Inge Mattens: «Nous avons commencé par diffuser en interne des histoires positives. Nous avons aussi créé un podcast interne. Nous mettons ici en valeur les aspects humains. Nos ambassadeurs évoluent pour devenir de véritables créateurs de contenu. Nous attirons leur attention sur l'impact de leur visibilité. Ils deviennent ainsi le visage de leur employeur.»

Silke Van Hamme insiste sur le soutien à apporter aux ambassadeurs. «Vous les aidez à écrire une histoire, à l'enregistrer, à la mettre en images et vous les accompagnez sur le devant de la scène. Tout le monde n'est pas un vlogueur de naissance. En outre, la pression du travail quotidien représente un obstacle. Les supermarchés doivent continuer à tourner. Je plaide pour l'intégration du rôle d'ambassadeur dans le plan de développement personnel du salarié. Ce qui pourra lui permettre de libérer du temps pour acquérir et renforcer ses compétences.»

Récits et encouragements

Pour John Meurysse, la direction et les salariés doivent devenir des modèles pour diffuser l'image de leur employeur à l'extérieur de façon authentique et durable et ceci, au jour le jour. «Les valeurs de notre organisation – les soins de santé avec un supplément d'âme – sont très vivantes dans notre hôpital. Nous mettons le patient au centre de nos préoccupations. Nous n'oublions pas que lui et les membres de sa famille sont parfois de futurs candidats.»

Inge Mattens et Silke Van Hamme se reconnaissent dans cette responsabilité collective de la marque d'employeur. Elle concerne l'ensemble du groupe, indépendamment des structures hiérarchiques. Les récits doivent venir du cœur de l'organisation.

Min Huet aide les managers qui recrutent à approcher la question des talents dans une perspective différente. «Nous les aidons à réfléchir sur ce que nous offrons aux talents que nous recherchons. Et sur ce qu’ils peuvent faire pour nous aider à les maintenir en fonction. C'est un autre positionnement dans le marché de l'emploi. On s'aperçoit alors que le recrutement est un vrai travail d'équipe. Le rôle du recruteur a son importance, celui du manager qui accueillera la nouvelle recrue aussi.»

Dans ce contexte, les compétences RH sont en transition. Min Huet conseille de dégager du temps pour réfléchir à long terme. «Il faut donner la priorité au développement de nouvelles compétences, comme le story telling et le nudging (les petits gestes d'encouragement). Ne vous contentez pas de décrire votre approche des talents dans une présentation, racontez une histoire qui symbolise votre vision. Appliquer les techniques de marketing fait bouger les salariés au lieu de simplement les informer.»

Titres de fonction

L'enrichissement des compétences RH par une expertise en communication et en marketing doit aussi se manifester dans les textes des annonces. «Nous faisons intervenir des spécialistes pour réécrire nos offres d'emploi. Et nous nous demandons d'abord ce que le candidat veut entendre», signale Inge Mattens. «Nous formons nos responsables de la sélection pour qu'ils adoptent cette philosophie. Nos titres de fonctions et nos grades sont souvent dépassés. Nous apportons certains changements à cet égard. Le département RH décide des informations que nous publions. Un candidat potentiel doit comprendre immédiatement de quoi il s’agit.»

Silke Van Hamme aussi réfléchit au groupe cible que l’entreprise veut toucher. «Que devons-nous leur dire pour être attrayants, quelle histoire devons-nous leur vendre? Nous partons d’un concept de marque d’employeur global, à nous de le décliner concrètement. Nous procédons par segmentation.»

C'est aussi le cas d'Aquafin qui fractionne son employee value proposition en cinq segments et en quatre types de personnalité, par exemple, les carriéristes, ceux qui veulent améliorer le monde ou les innovateurs socioéconomiques. «Nous essayons de susciter une relation émotionnelle», explique Min Huet. «C’est ce que le marketing nous a appris.»

Influenceurs

Une ambition intéressante de Delhaize est d’abandonner progressivement l’idée du salarié-ambassadeur pour s’orienter vers l’étape suivante: les influenceurs. Silke Van Hamme: «Nous accompagnons des salariés dans cette voie. Nous leur laissons aller au-devant de la scène pour qu’ils se profilent comme des experts dans leur domaine. Il s’agit de prendre le leadership, d'ouvrir les débats sur un sujet spécifique dans une communauté ciblée, par exemple sur un thème comme la durabilité.»

John Meurysse tient à apporter une nuance. «Les infirmières en chef qui enseignent dans une haute école sont aussi des influenceuses pour nous, mais nous ne leur donnons pas ce nom. Nous encourageons nos collaborateurs à porter leur regard au-delà de nos murs. Quand vous avez une longue ancienneté, le risque existe toujours de devenir aveugle à ce qui se passe à l'extérieur de l’organisation.»

Gains faciles

Les salariés que vous venez d’embaucher peuvent-ils servir d'ambassadeurs? «Grâce au programme d’intégration, les nouvelles recrues connaissent le sens de leur travail: elles ont lu votre message et ont été touchées par lui. Le lien émotionnel est déjà là. D’un autre côté, nous avons aussi des ambassadeurs qui travaillent depuis trente ans chez nous», assure Silke Van Hamme.

Min Huet voit un peu plus loin: «Les nouveaux représentent des leviers pour mettre en œuvre et réaliser notre transition organisationnelle. En conséquence, le défi du recruteur est de ne pas calquer les candidats sur le profil des salariés existants. Il faut encourager les cadres à introduire plus d’hétérogénéité dans leur équipe.»

Inge Mattens admet qu’il y a une tension entre la nécessité d’embaucher à court terme des collaborateurs productifs et la vision que vous poursuivez. «La défense d’une marque est une vision à long terme. Nous suivons les résultats avec des indicateurs de prestations, comme le ratio de conversation et les clics dans les médias sociaux. Nous mesurons aussi les effets du pre-boarding, de l’on-boarding et du post-boarding. Comme au cours des entretiens de sortie avec ceux qui nous quittent.»

La politique des ambassadeurs doit être nourrie en permanence. Silke Van Hamme: «Nous exhortons nos cadres et nos salariés de continuer à parler au marché. Cela demande du travail, mais nous évoluons progressivement vers un système autonome et qui se renforce de lui-même: on voit apparaître des communautés qui s’aident et s’inspirent mutuellement, dans le marché des candidats mais aussi pendant un barbecue où l’on parle de nos produits.»

ID

Inge Mattens, responsable de projet de la marque d'employeur du SPF Finances

Min Huet, Talent Development Manager d'Aquafin

Silke Van Hamme, Employer Branding & Engagement Manager de Delhaize Belux

John Meurysse, coordinateur du personnel et de l'organisation de l'hôpital Maria Middelares

Silke Van Hamme, John Meurysse, Inge Mattens Ddag: Silke Van Hamme, John Meurysse, Inge Mattens