Le tribunal du travail de Bruxelles doit examiner ce jeudi le dossier du statut des coursiers de la société Deliveroo. Il s'agit d'une enquête sociale débutée en 2018 par l'auditorat du travail. Les résultats de l'enquête indiquent que la plateforme de livraison de repas impose une série de règles aux coursiers indépendants qui collaborent avec elle, si bien que la relation de travail s'apparente plus à celle d'employeur à salarié. L'auditorat entend donc réclamer une requalification de cette relation de travail et le versement des cotisations sociales indues.
Dans ce contexte, des recherches menées par Elief Vandevenne, chercheuse à la VUB, ont montré que dans de nombreux cas, les conditions de travail de ces coursiers sont précaires et incertaines. Dans le cadre de son étude doctorale, elle a examiné le degré de précarité et le bien-être de 170 livreurs de repas bruxellois.
«Nos résultats montrent qu'en moyenne, les livreurs de repas ont effectivement des emplois plus précaires que les autres travailleurs, notamment en raison de leurs contrats précaires, des horaires de travail longs et irréguliers, de l'absence de sécurité sociale et des salaires moyens faibles et instables», souligne la chercheuse de la VUB. «Nous avons également constaté une relation avec leur bien-être général. Les coursiers qui ont des emplois très précaires se sentent moins bien dans leur peau. La recherche nous a également permis de comprendre un certain nombre de pratiques liées au travail. Par exemple, la location de comptes semble être une pratique courante, en particulier chez les coursiers sans papiers et les mineurs.»
Les coursiers obtiennent donc un score plus élevé en matière de précarité que les autres groupes de travailleurs. Mais au sein de ce groupe, le degré de précarité varie. Ainsi, tous les coursiers n'ont pas une situation de travail aussi précaire. Par exemple, la situation d'un étudiant travaillant comme coursier pour gagner un peu d'argent supplémentaire est clairement différente de celle d'une personne qui ne peut pas vivre dignement avec ses allocations et qui fait ce travail pour joindre les deux bouts. Les chercheurs ont constaté une (forte) relation entre les emplois de coursier les plus précaires et le bien-être. Il s'agit de la première étude à démontrer ce lien pour les coursiers.
L'étude donne également un aperçu du profil sociodémographique des coursiers. Sans surprise, l'échantillon se compose principalement de jeunes hommes. En outre, de nombreux coursiers bruxellois ne sont pas nés en Belgique (43%) ou ont des parents issus de l'immigration (22%). 16,3% des coursiers sont au chômage et 9,8% travaillent exclusivement comme coursiers. Finalement, le travail de terrain a également conduit à un certain nombre de résultats supplémentaires. Par exemple, la location de comptes semble être une pratique courante à Bruxelles. Les coursiers qui ne peuvent pas créer de compte (par exemple, parce qu'ils n'ont pas de permis de séjour valide) louent alors un compte et travaillent sous un autre nom. Cela se fait généralement via des groupes de coursiers en ligne sur les médias sociaux.
«Au cours du travail de terrain, nous avons également eu des contacts avec un certain nombre de coursiers sans papiers qui travaillent avec un compte loué», précise Elief Vandevenne. «Certains d'entre eux étaient également mineurs. Cela ne facilite pas la lutte contre la précarité des emplois de coursiers. Après tout, supposons que la conclusion du procès qui a débuté jeudi soit que les coursiers sont des employés. Que se passe-t-il alors avec les coursiers sans papiers?» Pour les personnes qui n'ont pas accès au marché du travail régulier, ce type d'emploi – malgré des conditions de travail souvent précaires – offre une chance d'obtenir un revenu bien nécessaire.
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Source: VUB, Groupe de recherche Interface Demography
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